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le 2 mai 2019

Retour vers le futur à Langouët

« Hors du temps », voilà comme on pourrait qualifier Langouët. Il y règne comme un curieux mélange de futur et de passé. Dans ce village breton, vous verrez des hameaux sociaux passifs, des jardins partagés en permaculture, une cantine 100 % bio et locale mais aussi un café associatif citoyen, une centrale photovoltaïque, une voiture électrique partagée ou encore une grainothèque ! Peut-être même qu’un jour vous croiserez des poules sur la voie en guise de ralentisseurs…

On pourrait se croire dans un village du nord de l’Europe ou en Islande, mais non, nous sommes à Langouët ! Ce village breton de 600 habitants situé à 25 kilomètres de Rennes, est mené par Daniel Cueff, un maire charismatique et farouchement anti-nucléaire, à la tête de ce laboratoire écologique à ciel ouvert depuis 20 ans. Nous sommes partis à sa rencontre, guidés par Mikaël Laurent du réseau Bruded (réseau d’échange d’expériences de développement local durable entre collectivités de Bretagne et Loire-Atlantique).

Zoom sur quelques initiatives innovantes et tellement pleines de bon sens qui mériteraient un essaimage massif !

De l’énergie à revendre

À Langouët, quasiment tous les bâtiments communaux sont équipés de panneaux solaires. Aujourd’hui, la production d’énergie solaire du village est excédentaire et assure les besoins de tous les services publics.


Cela comprend l’éclairage public, la mairie, l’école, le pôle enfance, la bibliothèque, l’église, la salle polyvalente et l’atelier municipal, détaille le maire Daniel Cueff.

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L’électricité est revendue à EDF qui a obligation de l’acheter. L commune récupère 10 000 euros par an grâce à cette production. La prochaine étape est l’indépendance énergétique avec la mise en place de trackers solaires. Ces panneaux qui pivotent avec le soleil permettront une production optimale tout au long de la journée.

Bio et bon

Langouët innove aussi dans l’assiette. La cantine bio et 100 % locale existe depuis 2004. Autant dire qu’à l’époque, ce n’était pas une préoccupation majeure pour la plupart des communes. Celles-ci cherchaient plutôt à réduire leurs coûts de cantine au maximum, voire à supprimer leurs cuisines. Aujourd’hui, pour rien au monde les habitants ne feraient marche arrière. Les enfants mangent sain, bio et local et aux dires du maire, ce serait même moins cher en bout de ligne ! Alors oui, il faut changer les habitudes et ménager les susceptibilités mais en fin de compte tout le monde est gagnant, surtout les enfants !

Une commune qui envoie du bois !

Depuis 2004, des logements écologiques et sociaux sont sortis de terre à Langouët. Pour le maire Daniel Cueff : « Hors de question qu’une construction écologique coûte 30% plus cher qu’une construction traditionnelle ! La commune achète les terres et c’est elle qui viabilise et qui revend à bas prix ».

Qu’en disent les vendeurs ? Se sentent-ils lésés ? Pour Mikaël Laurent, du réseau Bruded qui a commenté la visite, c’est une question d’équité : « Pourquoi revendre un bout de terre 10 fois le prix de celui du voisin alors qu’il s’agit juste d’un coup de crayon sur un PLU ? Le gagnant doit être l’habitant ».

Gagnant oui, mais au prix de quelques efforts tout de même. Les propriétaires des maisons ont mis la main à la pâte en donnant 30 jours chacun pour le chantier, encadrés par les compagnons bâtisseurs, une association qui lutte contre le mal-logement en France.

Pour arriver à tirer les coûts au maximum sans rogner sur la qualité, d’autres « astuces » ont été utilisées. Par exemple, les voitures restent garées à l’entrée des lotissements, avec le local poubelles et les boîtes aux lettres. Construire des voies pouvant supporter le poids d’un camion poubelle aurait coûté très cher. La commune a préféré garder cet argent pour les habitations entrainant un autre effet positif : cet espace d’entrée de lotissement devient un point de rencontre entre les habitants !

Le défi d’une « écologie modeste et ordinaire »  comme aime la nommer Daniel Cueff est relevé. Cette vision inclusive permet d’attirer un public souvent exclu de cette cause jugée élitiste.


L’écologie c’est pour tout le monde, a fortiori pour les faibles revenus, car un logement passif c’est beaucoup moins de charges ! rappelle monsieur le maire

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Mais comment font-ils pour se mettre d’accord ? Pour avancer rapidement sans avoir de voix discordante ou d’opposition comme on en trouve un peu partout dès que l’on souhaite associer les habitants aux différents projets ?

« Monsieur le maire c’est une main de velours dans un gant de fer ! » s’amuse Mikaël Laurent. « Pour faire avancer un projet, il faut un cadre strict de départ, non négociable », explique Daniel Cueff. « Par exemple, la cantine sera 100% bio, c’est comme ça, on ne revient pas dessus. Ceux qui ne sont pas d’accord sortent ! » Vous trouvez ça radical ? En tout cas ça fonctionne car une fois le cadre et l’objectif posés, tout le monde a son mot à dire sur la façon d’y parvenir : le processus devient beaucoup plus souple. Cette manière de procéder fait ses preuves à Langouët, où, il faut bien l’admettre, la plupart des habitants partagent de nombreuses valeurs et la même vision du vivre-ensemble. La plupart des projets expérimentés ici sont d’ailleurs issus des ateliers citoyens.

Des euros et des heureux

Chez nos voisins bretons, le collectif et la solidarité vont même plus loin que la seule concertation. Pour mener à bien ses différents projets et expérimentations, la commune emprunte de l’argent à ses administrés ! L’année dernière, 25 000 euros ont été empruntés pour un projet de permaculture et la création d’un jardin partagé ouvert à toutes et tous.

Les fonds ont été récoltés très rapidement, engendrant même quelques frustrations parmi les habitants qui n’ont pas eu le temps de participer. Dans un contexte de réduction drastique des finances publiques pour les collectivités territoriales, c’est un luxe !

Un recyclage contemporain du passé

Vous vous êtes peut-être interrogé en lisant cet article. En quoi les projets de Langouët sont-ils futuristes ? Et bien c’est surtout parce qu’ils sont tournés vers l’avenir, avec une vision très long terme. Pourtant, Langouët c’est aussi le passé, dans le bon sens du terme, le retour aux méthodes d’antan.

Orienter sa maison pour réduire sa consommation d’énergie, acheter son pain chez le boulanger du coin ou cultiver ses propres légumes ce n’est pas nouveau, nos grands-parents ou arrière-grands-parents le faisaient !

Ce qui est oublié dans beaucoup de territoires, Langouët le ressuscite, notamment la notion de participation citoyenne. Cette petite commune a réussi à raviver la conscience collective du pouvoir d’agir. Les habitants ont tous un point commun : ils sont très engagés dans le projet de leur village. La Cambuse, dernier commerce du village, est le lieu de convergence des villageois. Scène de théâtre mais aussi dépôt de pain, il accueille des ateliers citoyens et devient même un lieu de « meeting ». Chaque décision importante est forcément passée par ce café, comme autrefois !

Alors oui, Langouët est un petit village. Certaines expérimentations sont sans doute facilitées par ce facteur mais les freins d’être une petite commune en milieu rural sont bien plus nombreux. Pas d’excuses, donc, pour proposer, tester et pourquoi pas bousculer nos territoires ou nos quartiers !

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