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le 10 décembre 2018

Imagine LAvau

Un vendredi de fin novembre en Loire-Atlantique, le soleil a décidé de ne pas se joindre à nous, tant pis.
Nous voilà arrivés pour notre excursion insolite à Lavau, petite commune au milieu de l’estuaire de la Loire. Dans le cadre de nos travaux sur la campagne, cette visite tombe à point nommé car cette commune, bien qu’étant stable au niveau de son nombre d’habitants, a vu son bourg se vider presque totalement en 60 ans. Les nouveaux arrivants préférant des pavillons récents en entrée de village, la rue principale et la place de l’église se sont peu à peu vidées. Nous avons choisi Lavau-sur-Loire mais ce phénomène se retrouve dans bon nombre de petits bourgs en Loire-Atlantique. La rue du Port, que nous allons parcourir, est étrangement calme, comme figée. Pourtant, il y a eu de la vie dans ces campagnes, avant. Pour nous faire la visite, nous avons fait appel à des gens du territoire, tous passionnés de cette terre d’eau et de sel.

Itinéraire d’une enfant d’épicier

Marie Christine Veillet, Lavausienne de naissance, fille de la dernière épicière et ex-maire de la commune est notre guide, elle se lance avec beaucoup d’entrain dans son « itinérance mémorielle ». Au rythme des gouttes qui s’écrasent sur les parapluies, Madame Veillet égrène ses souvenirs, et nous voilà plongés dans la vie de son village, il y a 60 ans.


« Là, il faut imaginer une rue très animée, c’est la fin de la première messe et le parvis est noir de monde. De l’autre côté de la rue, il y a des groupes de personnes devant l’épicerie, ça rigole et ça parle fort. Un dimanche par mois, un concours de belote y était organisé. Cette épicerie c’était l’emblème de Lavau-sur-Loire, on pouvait également y passer un coup de téléphone, déposer du courrier ou prendre son premier café. Je dis premier car il y avait deux cafés à l’époque et les gens prenaient un premier café à l’épicerie ma mère et ensuite à l’autre café, comme ça pas de jaloux ! Ensuite ils allaient faire leurs courses chez les commerçants itinérants, c’était aussi le lieu de tous les ragots, le Facebook du village !"

Quotation

La rue du port, un lieu de vie devenu décor

Retour en 2018, la pluie tombe toujours et notre groupe est seul, au milieu d’une rue principale déserte. Notre procession chemine et chaque maison ou presque a son anecdote. Le discours de madame Veillet est teinté de nostalgie. Nostalgie du temps où Lavau avait un bourg vivant. Les enseignes d’autrefois qui ont laissé leurs empreintes sur les façades, sont les derniers témoins d’une activité commerciale dans le village. Aujourd’hui il faut faire 7 kilomètres pour aller chercher du pain. De part et d’autre de cette jolie rue du Port, la plupart des maisons sont vides. Derrière un rideau en crochet et une vitre brisée, on aperçoit les effets personnels d’une personne âgée qui a quitté les lieux, sans doute depuis longtemps.

La rando Poncho

Nous arrivons finalement au Port de Lavau, rendu célèbre par sa maison du Port qui a été dupliquée et immergée dans la Loire dans le cadre du voyage à Nantes. Cette magnifique demeure est aujourd’hui une crêperie à « ouverture aléatoire », qui fonctionne principalement le week-end et pendant les périodes touristiques. La promenade que nous avions prévu d’effectuer avec les membres d’Imaginé LA démarre à quelques dizaines de mètres de là, elle fait elle aussi partie du voyage à Nantes / Estuaires. Cette passerelle de deux kilomètres à travers les marais est un concentré de biodiversité. L’oeuvre de Tadashi Kawamata est aussi un véritable lien entre le bourg et la Loire. Elle aboutit à un observatoire au bord du fleuve qui offre une vue imprenable à 365 degrés sur Lavau, Cordemais et le pont de Saint-Nazaire. Un spectacle magnifique. 
Nous arrivons donc au départ de la promenade, il pleut toujours bien évidemment, et ça commence à grincer des dents sous les K-Ways. Courageux, mais pas étanche, notre groupe décide presque à l’unanimité de passer directement à l’étape suivante, la visite du GAEC des Marais de Lavau.

Lavau, une agriculture entre marais et marées

En attendant l’arrivée des agriculteurs à la ferme, Bernard Bonnet, Lavausien et passionné par son territoire, nous fait revivre son enfance de fils d’agriculteur.


« C’était dur cette agriculture, les parcelles sont immenses et circuler dans ces zones de marais c’est dangereux car on peut tomber dans des coursives et ne pas pouvoir remonter. En plus, les bovins qui sont élevés ici sont dans les marais une bonne partie de l’année et sont peu habitués à l’Homme, ce sont des animaux semi-sauvages ».

Quotation

Sur ce, Bernard Bonnet nous raconte comment il s’est fait piétiner par un troupeau de vaches étant enfant. Il s’en est sorti indemne, rassurez-vous.

« A l’époque » raconte-t-il « tous les enfants aspiraient à devenir ouvrier à Donges ou Cordemais, à avoir sa table en Formica et à quitter Lavau et ses conditions de vie parfois rudes. Sur 15 fermes à l’époque il en reste 5, en grande partie préservées grâce au remembrement » dont le GAEC des marais, tenu par Pierrick BONNET (frère de Bernard) et Hervé MOINAUD.
Ce sont ces deux agriculteurs qui nous accueillent chez eux. Ils nous expliquent précisément comment ils gèrent leur exploitation. Pour eux c’est un choix de vie, et loin de subir leur condition, ils ont une vision. Leur exploitation est depuis longtemps en biologique, ils vendent en circuit court et travaillent sur le bien-être animal. Leur réflexion du moment se porte sur l’abattage à la ferme. Des solutions existent mais les réglementations sanitaires sont extrêmement strictes en la matière. Sans parler des pratiques abjectes pratiquées par certains abattoirs et qui font la une de l’actualité régulièrement, pouvoir abattre les animaux sur place, c’est aussi pour eux un stress énorme en moins pour leurs bovins. Ce qui se ressent également sur la qualité de la viande.
Convaincus et convaincants, le discours optimiste de ces deux professionnels est une heureuse surprise dans un monde agricole qui apparait souvent comme sinistré. Les membres d’Imagine LA posent de nombreuses questions et nous terminons cette échange autour d’un verre de cidre artisanal, d’une tarte aux pomme et d’un paté de sanglier des marais fait maison.

Fin de la journée, nous avons partagé avec Marie Christine veillet, Hervé Moinaud Bernard et Pierrick Bonnet bien plus qu’une part de tarte aux pommes ou qu’une tranche de pâté de sanglier. Nous avons partagé des tranches de vie, la vie du passé, la vie du présent. Le point positif est que tous les membres, mouillés mais heureux, ont eu envie de revenir se promener à Lavau, l’insolite.

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