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le 4 août 2018

Se dé-chaîner sans se déchaîner : la force de la révolution non violente

Vous aussi, quand on vous dit non violence, vous imaginez immédiatement des chemises à fleurs, des cheveux longs et des pantalons pattes d’eph ?
Alors il va falloir vous rendre à l’évidence, votre carte postale de la révolte non violente a quelque peu jaunie depuis les années 70.

Non violence : le pouvoir du nombre

Si vous demandez à Sandra Kacavendic, les secrets de la réussite d’un mouvement non violent, il y a de fortes chances que la formatrice de Canvas vous réponde en un seul mot : unité. Sans cette capacité à rassembler autour d’une cause commune, d’un objectif commun, la lutte non violente a peu de chance d’inquiéter, même le moins virulent des régimes autoritaires.
Les gens ne vont pas manifester pour la politique. En revanche, quand cela touche leur vie quotidienne, ils n’hésitent pas à descendre dans la rue ». S’il y a une chose que la formatrice en stratégie non violente a appris de ses 10 années au contact des dissidents du monde entier, c’est bien cela. Une lutte doit toujours fédérer, quitte à s’éloigner au départ de son objectif final. Car demander à des citoyens de descendre dans la rue contre un dictateur qui leur fait peur est le meilleur moyen de se retrouver… seul face à des uniformes ! L’Indien Gandhi est le premier à l’avoir compris en 1930. Face à l’empire britannique et son armée surpuissante, l’Inde a un atout : le nombre. Mais comment mobiliser cette population ? En lui parlant d’autodétermination et d’indépendance ? Trop abstrait. En revanche, quand Gandhi évoque la taxe sur le sel, imposée par la Grande-Bretagne, il parle à tous les foyers indiens, tant le sel fait partie du quotidien de chacun. C’est ainsi que des dizaines de milliers de personnes rejoindront sa marche du sel. Et la Grande-Bretagne finira par abandonner cet impôt. Petite victoire direz-vous ? Au contraire, cet épisode a permis aux Indiens de prendre conscience qu’il était possible de tenir tête à une armée et à un pouvoir. Le grain de sel qui change la donne en quelque sorte ! C’est là-dessus que l’ONG Canvas organise, aujourd’hui encore, tout son travail d’accompagnement des dissidents. Il faut trouver des petites batailles qui mobiliseront massivement et qui agiront comme une bascule psychologique dans la tête des citoyens. « Il faut que la peur change de camps » répète Sandra Kacavendic. Du prix du yaourt en Israël (voir encadré) à celui du riz au lait aux Maldives, il suffit souvent d’un rien pour lancer la contestation. Pour autant, cela ne fait pas tout. Combien de ces petites étincelles n’ont allumé qu’un feu de paille ? Chez Canvas, la formation des dissidents commence toujours par la même mise en garde : savez-vous précisément vers quoi vous voulez aller ? Quel modèle de société voulez-vous ? Etes-vous sûr que le peuple partage ces mêmes envies ? Sans réponse à ces questions, sans planification, les dictateurs peuvent continuer à dormir sur leurs deux oreilles.


Les apôtres de la non violence vous le diront tous, pour voir grand, il faut commencer petit. Itzik Alrov en sait quelque chose. Il y a 6 ans, comme nombre d’Israéliens, il s’inquiétait de l’augmentation, entre autre, du prix des loyers. Mais comment fédérer la lutte contre ce capitalisme glouton dans un pays comme Israël, profondément inégalitaire ? Qu’est ce qui pourrait amener les plus riches à rejoindre le combat? Il fallait quelque chose qui fasse l’unanimité. Ce sera le fromage blanc cottage ! Tous les Israéliens en ont dans leur frigo. Pourtant, en créant une page Facebook appelant au boycott du cottage pour protester contre la hausse de son prix, Itzik Alrov ne s’attendait pas à un tel emballement : 100 000 signatures en quelques jours. Une communauté de lutte était née…grâce au cottage. Une communauté qui finira par faire plier une multinationale, contrainte de baisser le prix de son produit. Et ce succès donnera des ailes aux contestataires, prêts maintenant, à s’engager dans des combats plus essentiels.

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Quand la non violence l’emporte par KO

Un mouvement de contestation aurait plus de chance d’arriver à ses fins s’il est non violent. Et ce n’est pas seulement les formateurs de Canvas qui le disent.
Selon l’étude de deux chercheuses américaines, la non-violence serait un choix rationnel et efficace. Maria Stephan et Erica Chenoweth* ont en effet, passé au crible plus de 300 révoltes qui se sont déroulées entre 1900 et 2006.
Conclusion: les luttes non-violentes ont 53% de chance d’atteindre leur but, contre seulement 26 % pour les mouvements violents.


Une révolution non violente ne s’exporte pas. Elle doit s’adapter à chaque culture

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Mieux vaut en rire !

Le fondateur Serbe de Canvas appelle cela « le dérisionnisme » ou l’art de tourner un pouvoir en dérision. Srdja Popovic l’humour serait l’une des clefs de la réussite de la révolte non violente ? en est persuadé : « Les forts et les puissants supportent mal la plaisanterie »
Mettez un policier face à un manifestant violent, il ne devrait pas être trop déboussolé. Maintenant, mettez ce même policier face à un manifestant rigolo, ce ne devrait pas être la même histoire. Il y a peu de chance en effet, que ce type de situation soit au programme de l’école de police ! Et le résultat risque d’être, au mieux folklorique, au pire, dévastateur pour l’image du pouvoir.
Il fallait voir, par exemple, la tête de ces policiers russes quand des manifestants anti-corruption, interdits de rassemblement, ont eu la bonne idée de faire manifester à leur place… des jouets en plastique à Baraul, petite ville de Sibérie en février 2012
Fallait-t-il arrêter ces jouets, armés de leurs pancartes, comme on arrêterait des criminels? Non, bien sûr… Le pouvoir russe est allé encore plus loin dans le ridicule, en interdisant tout simplement les manifestations de jouets ! Il n’en fallu pas plus pour que cette manifestation pleine d’humour dans un petit coin perdu de la Russie fasse la Une des journaux de tout le pays. L’objectif était atteint, le pouvoir s’était ridiculisé, les opposants avaient gagné la sympathie de toute la population et l’adhésion massive de la population à leur cause. Mais pour les formateurs en non violence comme Sandra Kacavendic, la principale vertu de l’humour, c’est surtout son impact sur la peur.
Dans les régimes autoritaires, la peur reste l’arme la plus efficace à la disposition du pouvoir, pour tenir la population.  En tournant le pouvoir en dérision, vous bottez cette peur hors du jeu, hors des esprits des citoyens ordinaires. Faire sauter ce verrou, c’est intégrer l’idée que le pouvoir est faillible et que l’alternance est possible. De quoi donner le sourire !

 


Dans la formation que Canvas propose aux dissidents qu’il accompagne, l’humour tient une place essentielle et en la matière, ces formateurs ont de la ressource ! Il faut dire qu’ils ont été à bonne école. La révolution contre Milosevic en Serbie a été un laboratoire d’actions humoristiques. La plus célèbre étant certainement l’épisode du lâché de dindes.
Kragujevac, petite ville en Serbie en décembre 1999. Des militants décident de lâcher dans les rues des dizaines de gallinacées, qu’ils avaient préalablement ornées d’une fleur blanche. Pour tous les Serbes, la référence à l’épouse de Milosevic est évidente. La police du dictateur ne pouvait laisser passer ça ! Imaginez, le spectacle de ces dindes coursées par des policiers dans les rues de la ville ! Pour les habitants de la commune, cela valait largement un Chaplin à la télé ! Et pour les féroces policiers de Milosevic, c’était un sérieux coup donné à leur réputation. Qui aurait peur désormais de ces hommes en panique devant une dizaine de dindes incontrolables ?

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Poing levé et pouce en l’air : Les réseaux sociaux dans la bataille

Que vous preniez les mouvements Occupy dans les démocraties occidentales, les révolutions du printemps arabe et, à un moindre niveau, Nuit Debout en France, ces révoltes ont d’abord existé sur les réseaux sociaux. C’est là, en se nourrissant de likes et de retweets qu’elles ont grandi avant de prendre leur envol dans le monde réel. Aujourd’hui, la révolution non violente ne peut plus se passer des réseaux. Dans le guide du parfait révolutionnaire pacifiste développé par Canvas, la notion de nombres et de communauté d’intérêts est essentielle. Les réseaux sociaux offrent cela. Mais comment passer du virtuel au réel ? Pour les spécialistes des luttes non violentes, ce passage n’est pas si évident que cela. « Il y a beaucoup de  » clicisme  » qui ne change pas grand-chose, parce que les gens ne bougent pas pour autant » regrette Sandra Kacavendic. Et internet présente une autre limite, celle de la sécurité. Selon la formatrice serbe, les réseaux peuvent coûter chers aux opposants, beaucoup plus exposés sur la toile.

int(2017)

Conférences

16 août 2018

Bleu Blanc Zèbre : « Aux actes, citoyens ! »

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