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Conférences

le 16 août 2018

L’humanité augmentée : vers des vies programmées ?

Le monde avance, et on peut dire que, d’un point de vue technologique, il ne traîne pas. La course à l’innovation bat son plein et chaque mois amène son lot de progrès déterminants pour notre avenir, mais aussi de gadgets à durée de vie limitée. Les quantités de données numériques en circulation traitées par le Big Data deviennent des supports d’innovation dans des domaines aussi variés que la médecine, les services publics, la mesure de soi ou encore l’économie. Mais peut-on dire que tout est parfait au pays des octets ? Si certaines innovations vous feront perdre des kilos, d’autres pourraient bien vous faire perdre votre boulot…Taxis autonomes, banquiers robotisés ou journalistes virtuels seront peut-être au menu de notre avenir numérique. Tour d’horizon de notre vie digitale d’aujourd’hui et de demain.

Le Big Data, c’est quoi ?

Il s’agit de l’analyse de la somme de toutes les informations et données numériques qui circulent ou sont stockées. Ces données peuvent provenir de capteurs, de mails, de vidéos… Chaque jour, la planète en génère 2,5 trillions. Au-delà de la notion de volume, le Big Data offre d’incroyables opportunités dans de multiples domaines, notamment celui de la santé.

Cartographie du génome : les centenaires pris pour cible

La médecine des données est un eldorado pour les professionnels du Big Data. Les possibilités sont tellement immenses qu’elles donnent presque le vertige. Par exemple, adapter son mode de vie à son patrimoine génétique sera bientôt une réalité. Il suffira de faire séquencer son génome. À l’heure actuelle, seul un richissime Américain, Craig Venter, s’est offert cette petite folie. Son ambition est de créer une gigantesque base de données et d’observer les spécificités des génomes appartenant à des centenaires et plus. Suite à un traitement algorythmique, ces données pourraient révéler quels gènes sont à l’origine de la bonne santé et de la longévité. L’objectif ne serait pas de vivre plus longtemps, mais de vivre en meilleure santé. Ces avancées spectaculaires de la cartographie du génome ouvriront sans doute la voie à une approche de la médecine plus personnalisée et plus ciblée. Les thérapies et les conseils du corps médical seront adaptés précisément à chaque patient et la prévention aura un rôle majeur. Ce processus de ciblage génomique devrait permettre d’identifier dix ou vingt maladies là où auparavant une seule était diagnostiquée.

Quantification de soi : se mesurer jusqu’à la démesure

Datas versus chocolat

Ils s’appellent Jawbone, Withings ou Fitbit, et ils vous surveillent… Vous n’avez pas assez marché ? Votre courbe de poids ne va pas dans le bon sens ? Voilà qui pourrait vous faire renoncer à reprendre un morceau de chocolat. D’ailleurs votre application vient de vous informer que céder à cette gourmandise vous en coûtera 200 kcal, soit deux heures de marche pour l’éliminer. Ah bon ? Vous n’en voulez plus, vraiment ?

Des gadgets en CDD ?

Plus qu’un système de mesure, il s’agit bien d’un mouvement : le « quantified self ». Ces adeptes stockent, analysent et partagent leurs données personnelles. Si, aujourd’hui, calories, pas, poids ou sommeil sont mesurés, il faut se rendre à l’évidence, nous n’en sommes qu’aux prémices. Bientôt, la transpiration, le taux de caféine, le stress ou l’activité sexuelle, tout, absolument tout pourra être mesuré. Mais dans le fond, à quoi ça sert ? Deviendra-t-on tous minces, sportifs et souriants ? Le chocolat est-il en voie de disparition ? La quantification de soi relève plus de la curiosité des individus qui souhaitent « s’explorer ». D’ailleurs, une fois la nouveauté passée, ces objets finissent souvent leur carrière au fond d’un tiroir, au bout de six mois d’utilisation en moyenne. Les Français ne sont pas plus friands que ça de cette auto-exploration et la généralisation de cette pratique n’est pas encore pour demain. Les outils de quantification feront sans doute la rencontre d’un plus large public quand ils seront plus discrets et surtout lorsque, au sein d’un seul objet, plusieurs types de données pourront être analysés.

Quand l’exploration vire à la dépression

En outre, cette pratique ne fait pas que des adeptes. Les plus sceptiques restent sans doute les professionnels de santé. Selon eux, le contrôle permanent est une source évidente d’anxiété. Les utilisateurs comparent le plus souvent leurs résultats à des normes qui, au final, ne s’appliquent à personne. C’est d’ailleurs à ce moment que doit intervenir le filtre du médecin. Alors faut-il se quantifier ? Un peu, pourquoi pas, mais attention aux excès ! Comme avec le chocolat, tout compte fait…


Google nous "glass" le sang ! Internet sait déjà tout de nous. Ce que l’on aime, et ce que l’on n’aime pas ; ce que nous lisons, où nous vivons, etc. Niveau intimité, c’est déjà limite. Le coup de grâce viendrait-il des Google Glass1 ? Appareil photo, micro, caméra, Bluetooth et WIFI… avec ces lunettes connectées, les téléphones mobiles peuvent aller se rhabiller, de toute façon nous sommes déjà nus. Les porteurs de Google Glass deviendront en quelque sorte des espions, des caméras de surveillances ambulantes échappant à tout contrôle et profitant à… eh bien, on ne sait pas trop. À celui ou celle qui les porte ? Peut-être. À Google ? Ça, c’est sûr. La firme californienne va soigneusement stocker sur son nuage (cloud) toutes les informations issues « du terrain  » et s’enrichir un peu plus, au fur et à mesure que l’on se déshabille. Hormis les litiges juridiques sans fin qui s’annoncent, la question des libertés individuelles est clairement posée sur la table. Alors, fantastique, novateur et incroyable ? Bien sûr, mais terrifiant également.

Quotation

Et si R2D2 nous envoyait au Pôle emploi ?

La Robolution est en marche

Une chose est certaine, la robotique ne connaît pas la crise. Ce secteur se porte bien, très bien même. La seule robotique de service représentera 100 milliards de dollars d’ici à 2018 et plusieurs milliers d’emplois ont été créés dans le monde depuis 20113. Si les robots aspirateurs ou les robots de chirurgie existent déjà, nous sommes à l’aube d’une robotique qui touchera plus d’aspects de notre quotidien. Être livré par un drone deviendra sans doute banal et faire surveiller sa vieille tante atteinte d’Alzheimer par un robot de présence ne choquera plus personne. Présentés comme cela, ils mériteraient qu’on leur donne le bon Dieu sans confession, ces robots qui nous aident et qui créent des emplois. Toutefois, l’objectif principal de ces machines est tout de même de se passer de l’humain et de ses contraintes pour atteindre une productivité inégalée. Le revers de la médaille est donc la disparition de nombreux métiers potentiellement remplaçables par des outils numériques.

Ces robots qui nous piquent nos boulots

Certaines professions vivraient donc leurs dernières heures. Ce serait le cas des informaticiens, 15 % seulement seraient épargnés par les machines. Parmi les professions en danger, nous trouvons également les pharmaciens, chauffeurs de taxi, pilotes d’avion, traders ou journalistes. 47 % des professions pourraient être exercées par des robots d’ici à 2050. L’industrie, qui est sans doute la branche la plus avancée en robotique, prévoit d’être équipée de plus d’1,5 million de robots à l’échelle mondiale, soit l’équivalent de la population de la Loire-Atlantique  !

Vers une économie de la robotique ?

Destruction ou création d’emplois ? Deux théories s’opposent. Si certains annoncent la mort de l’économie telle qu’elle est aujourd’hui, d’autres prévoient la naissance de nouveaux métiers, créés directement ou indirectement par cette industrie en plein essor.

Quand l’éthique est mise sous tension

Quantification, robotisation, transhumanisation… Tout cela peut laisser perplexe, voire en effrayer plus d’un. Cette course à l’amélioration de nos performances et au monitoring de nos données physiologiques pose de nombreuses questions éthiques, mais aussi juridiques et sociétales. Avons-nous le droit de modifier notre espèce ? Dans un monde peuplé d’humains bioniques, que deviennent les femmes et les hommes à l’intelligence et aux capacités physiques « naturelles » ? Ces questions semblent tout droit sorties d’un film de science-fiction. Pourtant, pas à pas, insidieusement, nous y arriverons. L’éthique et ses lois vont devoir encadrer de façon très sérieuse cette nouvelle forme d’humanité. Les systèmes existants et notamment le système de santé risquent d’être soumis à rude épreuve par cette humanité « augmentée ».

L’eugénisme à grande échelle

Le transhumanisme risque de se retrouver partout, à tous les âges de la vie, même depuis son origine. En 2010, une équipe de chercheurs chinois a réussi à réaliser un diagnostic génomique complet sur un embryon de trois mois à partir de cellules du bébé circulant dans le sang de la mère. Fini les amniocentèses, il sera bientôt possible de dépister presque toutes les maladies sans prendre de risques ni pour la mère ni pour l’enfant. Vu sous cet angle, le scénario est plutôt attractif. Pourtant, cette technique, si elle évolue (et c’est bien parti pour), permettra d’implanter des gènes à la carte dans des cellules souches. « Grand ? Brun ? Athlétique et bon en math ? Oui, surtout pas myope, j’ai noté. » Irréel ? Aujourd’hui, oui. Demain, sans lois bioéthiques strictes, ce sera techniquement faisable. Plus de défauts, tous beaux, intelligents, en bonne santé, et puis sympas tant qu’à faire. À quoi ressemblera l’humanité demain ? Allons-nous vers une standardisation génétique ?

De l’être spontané à l’être assisté

Une chose est sûre, l’homme va déléguer de plus en plus, et pour tout. Plus de place pour la fameuse « erreur humaine », car ce seront les machines qui piloteront et une machine, ça ne se trompe pas. Quid des formidables innovations nées d’une erreur de manipulation ou de recherches sans but précis ? Sans cette « sérendipité », nous ne connaîtrions peut-être pas le velcro ou l’imprimante à jet d’encre. Perdrons-nous bientôt la simple possibilité de nous tromper ? Quelle place pour le hasard ? L’omniprésence des machines, qui nous conseilleront ou feront carrément à notre place, risque de mettre à mal notre libre arbitre et notre spontanéité. Comment vivre ensemble, se rencontrer, si tout est le fruit d’une planification froide et calculée ? Devant tant d’incertitude, le mieux est sans doute de parier sur la capacité de résilience de l’être humain qui saura, espérons-le, trouver le bon programme pour bien cohabiter.


La seule robotique de service représentera 100 milliards de dollars d’ici à 2018 et plusieurs milliers d’emplois ont été crées dans le monde depuis 2011

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Faut-il résister à cette invasion technologique ? refuser d’utiliser les nouveaux outils à notre disposition ? D’ailleurs, cela est-il encore possible ? Peu prennent le temps de descendre de ce train pour se poser des questions pourtant primordiales. Refuser les objets connectés, c’est possible, il suffit de ne pas en acheter. Lâcher son portable, devenu pour certains une véritable extension de soi, c’est également possible, c’est même devenu un business4. Pour autant, le jour où votre patron vous signifiera gentiment que c’est C-3PO qui va vous remplacer à votre poste de travail, vous aurez beau résister, le robot aura eu le dernier mot. L’humanité augmentée ne relève pas de chimères ou autre contes ésotériques, c’est une réalité. Toutefois, tant que l’humain maintiendra un certain contrôle sur ces machines, il sera préservé. Mais jusqu’à quand ?

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Bienvenue à Gattaca

La Robolution est en marche

Une chose est certaine, la robotique ne connaît pas la crise. Ce secteur se porte bien, très bien même. La seule robotique de service représentera 100 milliards de dollars d’ici à 2018 et plusieurs milliers d’emplois ont été créés dans le monde depuis 20113. Si les robots aspirateurs ou les robots de chirurgie existent déjà, nous sommes à l’aube d’une robotique qui touchera plus d’aspects de notre quotidien. Être livré par un drone deviendra sans doute banal et faire surveiller sa vieille tante atteinte d’Alzheimer par un robot de présence ne choquera plus personne. Présentés comme cela, ils mériteraient qu’on leur donne le bon Dieu sans confession, ces robots qui nous aident et qui créent des emplois. Toutefois, l’objectif principal de ces machines est tout de même de se passer de l’humain et de ses contraintes pour atteindre une productivité inégalée. Le revers de la médaille est donc la disparition de nombreux métiers potentiellement remplaçables par des outils numériques.

Ces robots qui nous piquent nos boulots

Certaines professions vivraient donc leurs dernières heures. Ce serait le cas des informaticiens, 15 % seulement seraient épargnés par les machines. Parmi les professions en danger, nous trouvons également les pharmaciens, chauffeurs de taxi, pilotes d’avion, traders ou journalistes. 47 % des professions pourraient être exercées par des robots d’ici à 2050. L’industrie, qui est sans doute la branche la plus avancée en robotique, prévoit d’être équipée de plus d’1,5 million de robots à l’échelle mondiale, soit l’équivalent de la population de la Loire-Atlantique  !

Vers une économie de la robotique ?

Destruction ou création d’emplois ? Deux théories s’opposent. Si certains annoncent la mort de l’économie telle qu’elle est aujourd’hui, d’autres prévoient la naissance de nouveaux métiers, créés directement ou indirectement par cette industrie en plein essor.

Quand l’éthique est mise sous tension

Quantification, robotisation, transhumanisation… Tout cela peut laisser perplexe, voire en effrayer plus d’un. Cette course à l’amélioration de nos performances et au monitoring de nos données physiologiques pose de nombreuses questions éthiques, mais aussi juridiques et sociétales. Avons-nous le droit de modifier notre espèce ? Dans un monde peuplé d’humains bioniques, que deviennent les femmes et les hommes à l’intelligence et aux capacités physiques « naturelles » ? Ces questions semblent tout droit sorties d’un film de science-fiction. Pourtant, pas à pas, insidieusement, nous y arriverons. L’éthique et ses lois vont devoir encadrer de façon très sérieuse cette nouvelle forme d’humanité. Les systèmes existants et notamment le système de santé risquent d’être soumis à rude épreuve par cette humanité « augmentée ».

L’eugénisme à grande échelle

Le transhumanisme risque de se retrouver partout, à tous les âges de la vie, même depuis son origine. En 2010, une équipe de chercheurs chinois a réussi à réaliser un diagnostic génomique complet sur un embryon de trois mois à partir de cellules du bébé circulant dans le sang de la mère. Fini les amniocentèses, il sera bientôt possible de dépister presque toutes les maladies sans prendre de risques ni pour la mère ni pour l’enfant. Vu sous cet angle, le scénario est plutôt attractif. Pourtant, cette technique, si elle évolue (et c’est bien parti pour), permettra d’implanter des gènes à la carte dans des cellules souches. « Grand ? Brun ? Athlétique et bon en math ? Oui, surtout pas myope, j’ai noté. » Irréel ? Aujourd’hui, oui. Demain, sans lois bioéthiques strictes, ce sera techniquement faisable. Plus de défauts, tous beaux, intelligents, en bonne santé, et puis sympas tant qu’à faire. À quoi ressemblera l’humanité demain ? Allons-nous vers une standardisation génétique ?

De l’être spontané à l’être assisté

Une chose est sûre, l’homme va déléguer de plus en plus, et pour tout. Plus de place pour la fameuse « erreur humaine », car ce seront les machines qui piloteront et une machine, ça ne se trompe pas. Quid des formidables innovations nées d’une erreur de manipulation ou de recherches sans but précis ? Sans cette « sérendipité », nous ne connaîtrions peut-être pas le velcro ou l’imprimante à jet d’encre. Perdrons-nous bientôt la simple possibilité de nous tromper ? Quelle place pour le hasard ? L’omniprésence des machines, qui nous conseilleront ou feront carrément à notre place, risque de mettre à mal notre libre arbitre et notre spontanéité. Comment vivre ensemble, se rencontrer, si tout est le fruit d’une planification froide et calculée ? Devant tant d’incertitude, le mieux est sans doute de parier sur la capacité de résilience de l’être humain qui saura, espérons-le, trouver le bon programme pour bien cohabiter.

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