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le 20 juillet 2018

L’école est finie : vive l’école 2.0 !

Plus de six Francais sur dix pensent que l’enseignement fonctionne mal aujourd’hui dans notre pays. Un constat qui corrobore la quinzième position de la France en ce qui concerne le bien-être éducationnel des enfants. Alors, avec 50 000 jeunes de moins de 20 ans en plus d’ici à 2040 en Loire-Atlantique, quel apprentissage leur sera proposé ? La connaissance se détache de plus en plus du papier et les pédagogues doivent revoir leurs copies, souvent sans trop de repères. Comment s’y prendre pour accompagner cette jeunesse de l’instantanéité vers l’autonomie ? Est-ce cela la finalité de l’éducation scolaire ? Plusieurs pistes sont envisagées pour réinventer la transmission des savoirs à l’école de demain. Dominique Ottavi, professeure en sciences de l’éducation, nous en a proposé un apercu en mars dernier. Découvrez trois scenarii aux traits volontairement forcés et forgez-vous votre propre vision de l’école 2.0.

Passivité et inappétence aux apprentissages sont des images qui collent à la peau de la jeunesse. « Et assistés tant qu’on y est ? » Ces clichés détonent de l’attitude connectée, créative et collaborative de la génération montante. Alors, comment s’y prendre pour transmettre des savoirs ? L’enseignement n’a jamais été chose facile, mais, à l’heure actuelle, nous nous trouvons dans un contexte où des formes pédagogiques inédites sont à construire. Le rapport authentique au savoir est perturbé par deux choses : notre propre culture et les technologies. Notre système occidental de valeurs impose que l’individu soit responsable de lui-même, de son évolution et de la valorisation de l’instruction qu’il reçoit. Les technologies, quant à elles, métamorphosent nos façons de penser. Oui, mais ce n’est pourtant pas la 1re révolution à laquelle l’éducation doit faire face. L’invention de l’écriture en a été une. Platon y voyait d’ailleurs à l’époque une double menace, celle de l’oubli et de la destruction de la mémoire et de l’oralité.


Redouté des élèves et exercice difficile pour les enseignants, le bulletin est aussi le reflet de notre inconscient scolaire tant il traduit la manière dont on construit l’évaluation et la notation dans notre société.

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Scenario 1 : les fondamentaux

Des capacités certaines, mais Jules est un élève peu scolaire »
Que ceux qui n’ont jamais eu l’occasion de lire une telle appréciation dans un bulletin scolaire lèvent le doigt ! Pas besoin de faire preuve de grande créativité, ce scénario ressemble à ce que nous avons connu : une transmission descendante des savoirs et un enseignant autoritaire.
« Lily pourrait mieux faire en étant incollable sur les questions de cours »
Envisager l’éducation, la scolarité en fait, comme un puissant levier de « mise aux normes » des nouvelles générations, est-ce cela l’école de demain ? Si l’interdiction de penser persistait pour les élèves, il y aurait fort à parier que peu se sentiraient impliqués dans l’évolution de leur propre société. Sortir l’enfant de la « machine à classer » anxiogène ne devrait-il pas être une priorité pour l’école de demain ?

« Une année bien terne pour Timothée Il n’a pas trouvé le bon rythme »
Sans rentrer dans le débat des rythmes scolaires, la question du temps, des temps en fait, est fondamentale. Les Grecs ont deux mots pour cela : chronos – le temps qui limite et quantifie – et kairos – le bon moment, l’opportunité. Les préférences de notre société ne commenceraient-elles pas à glisser du premier vers le second ? Et si, sur les bancs de l’école 2.0, on transmettait aux enfants en tenant compte de leur rythme d’apprentissage.


Se recentrer sur les fondamentaux ne signifie pas conserver en tous points les héritages du passé avec un enseignant, figure d’autorité incontestable. Lorsque le rapport au savoir est caractérisé par la crainte, par le devoir de se fondre dans un niveau moyen, nos jeunes si curieux de nature ne peuvent trouver d’intérêt aux contenus pourtant fondamentaux qui leur sont transmis, ce qui provoque de l’ennui. L’enseignant doit rester le vecteur de transmission principal des savoirs.

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Scenario 2 : société sans école

Doit-on déscolariser notre société ? Ce scenario ressemble à l’utopie d’Ivan Illich2 qui anticipait en son temps le développement des réseaux.
En 2040, serons-nous plus intelligents ou plus assistés ? Imaginez que les TICE3 supplantent nos enseignants et que le savoir provienne des machines. L’enseignant deviendrait pourvoyeur de moyens, une simple personne ressource ni en position d’autorité, ni en position d’éducateur. À l’ère du Big Data, des questions persistent autour des nouveaux médias : celles de l’organisation du savoir, de l’agilité dans les recherches documentaires et du sens critique à acquérir de plus en plus tôt. Oui, la planète entière pourrait avoir accès aux meilleurs cours du monde sans se retrouver face à un enseignant. Si cette éducation pour tous est confortée par le bouillonnement des MOOC4, elle n’enlève rien à la nécessité d’échanger en face à face. Il reste fondamental qu’une maîtrise du langage et de certaines compétences méthodologiques soit requise pour que l’utilisation de ces connaissances reste pertinente. Mauvaise nouvelle pour les autodidactes de 2040 : l’enseignant aurait encore un rôle à jouer. Comme le rappelle Hélène Ernoul, les nouveaux médias ne sont pas une fin en soi, mais plutôt sources de motivation et d’innovation dans l’accompagnement des élèves.


Apprendre à chaque élève à s’apprécier avec son savoir, ses ignorances et ses certitudes. Dans cette construction de l’enfant, la transmission du savoir est aussi importante que l’apprentissage du débat. Le recul critique permettra à l’élève de s’orienter et de faire de l’expérience parfois désordonnée dans la société quelque chose d’intelligible

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Scenario 3 : l’école « Jugaad »

Le dernier scenario se fait l’éloge de la fonction émancipatrice de l’école. Les enseignements prodigués veillent à l’autonomisation des jeunes par la confiance et le renforcement positif. Trois voies visant les valeurs émergentes de notre société peuvent y concourir : miser sur le réseau, développer l’esprit critique, libérer la créativité des enfants et des jeunes.
« Alix passe plus de temps à bavarder qu’à travailler, on voit le résultat… »
Et si le bavardage devenait du temps éducatif ? Non, non, pas celui où l’on chuchote au creux de l’oreille de son voisin, mais celui qui profite à toute la classe, celui qui crée des liens et de l’intelligence collective. Du bavardage 2.0 ! Par exemple, produire en classe un compte-rendu collaboratif en ligne.

« Louis a fait preuve d’un bon esprit critique »
« On ne va jamais y arriver ! » Ce découragement, Hélène Ernoul l’entend régulièrement. Notre « English teacher7 » met un point d’honneur à démontrer à ses élèves le contraire grâce à différents projets de groupe. Des travaux et résultats que ces derniers apprécieront eux-mêmes. Analyser, débattre, évaluer de façon constructive… en bref, rendre actifs les élèves en classe, c’est aussi cela l’apprentissage de demain.

« Nina est une élève à haut potentiel inventif, mais refuse les règles »
Certains pédagogues se tournent vers la créativité pour renouveler le désir d’apprendre des élèves et raviver leur curiosité. Les méthodes d’apprentissage jouent un rôle dans le niveau de créativité des élèves. Aujourd’hui, le système classique semble inhiber l’enfant par la peur de l’échec. « On attend uniquement de l’élève qu’il donne la bonne réponse. »

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