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le 16 août 2018

Et mon territoire à l’heure du numérique ?

Les pratiques issues du numérique façonnent une nouvelle identité à nos territoires. Certains usages améliorent le vivre ensemble : échanges de biens et de services, drives fermiers, accès public à Internet, espaces de travail partagés ou autres tiers-lieux… D’autres, tels que les achats en ligne, sont des pratiques plus privées. Qu’est-ce que ces appropriations changent sur les manières de vivre notre territoire ? Les acteurs locaux et les décideurs ont-ils cerné à leur juste mesure la multiplicité des enjeux liés à Internet et à ses usages ? Le citoyen saura-t-il lui aussi créer sa place au-delà du rôle de consommateur connecté ? Le département de Loire-Atlantique s’intéresse de près à ces problématiques; notre territoire mise beaucoup sur le développement du numérique partout, pour tous, et par tous. En mars 2015, Philippe Vidal, en compagnie d’Amandine Piron et de Gwendal Briand, sont venus apporter leur éclairage sur les nombreuses questions que ce sujet suscite.

La question du numérique se pose au-delà des infrastructures d’accès à Internet. Une fois les tuyaux installés, encore faut-il être en capacité de les utiliser du mieux possible. La circulation, l’échange des données produites par les citoyens et les usages qui en sont faits sont de nouveaux constituants des territoires. Si pour certains, la révolution est en cours, pour d’autres, le train est déjà passé.Aussi, de multiples acteurs auraient même manqué le bateau… Les fatalistes vous diront qu’ils n’y peuvent rien. Pourtant, rien n’est joué. En matière de numérique, il peut être parfois trop tôt, mais jamais trop tard.

Une mutation collective

Le territoire, qu’il soit habité, perçu ou traversé, est mouvant. Tout acteur, qu’il soit commerçant, fonctionnaire, cadre, salarié, élu ou citoyen, porte un regard qui lui est propre. Comprendre les enjeux et s’approprier les multiples possibilités qu’offre le numérique peut être un formidable vecteur de lien entre un citoyen et son territoire. Pourtant, de nombreux acteurs publics en sont encore au stade des questions : que peut concrètement apporter le numérique sur et à mon territoire ? Ai-je assez d’éléments pour prendre les bonnes décisions ?

Miroir, mon beau miroir, quel est le territoire le plus intelligent ?

Le territoire sera intelligent ou ne sera pas

Le cyberespace est-il en passe de faire disparaître nos lieux d’interactions IRL(In Real Life) ? C’est en tout cas la crainte des plus sceptiques, voyant le diktat des plateformes virtuelles s’imposer à nous. Pour d’autres, les territoires numériques et physiques s’ajustent, s’adaptent et s’enrichissent mutuellement. De façon naturellement intelligente ? N’exagérons pas. Le territoire intelligent, véritable Graal 2.0, aurait un pouvoir d’attractivité inégalé. En réalité, les choses sont un peu plus complexes, car ce qui peut être attractif pour certains ne l’est pas forcément pour d’autres. D’autre part, il est plus souvent question de « ville » intelligente (la fameuse « smart city »), que de territoire intelligent.
Et au-delà des marges urbaines, que se passe-t-il ? Un no man’s land numérique ? Où l’acteur public se situe-t-il dans ce nouvel écosystème ? Et le citoyen, dans tout ce remue-méninges ? C’est dans ce contexte que la place des collectivités redevient primordiale, encore faut-il qu’elles sachent elles-mêmes se positionner…

Des institutions en mode « hors connexion »

« Bienvenue à Nantes ! Vous aimeriez profiter de 50 % de réduction sur votre dîner ce soir ?… Quel acteur public serait en mesure de m’accueillir sur son territoire aussi bien que Tripadvisor ? Cela soulève quelques questions, non ? » C’est ainsi que Philippe Vidal, notre conférencier, a ouvert sa conférence. Avec la montée successive du web 1.0 puis 2.0, les institutions ont vu rétrécir leurs sphères de participation et d’influence. Elles ont perdu en quelques années le monopole des services de proximité. Elles ont commencé à partager leur place d’informateur, puis ont vu des acteurs réinventer des services aux citoyens sans elles. L’acteur public, quel qu’il soit, ferait bien de s’activer un peu, mais comment ? Proposer des solutions implique dans un premier temps de bien appréhender les tenants et aboutissants des usages que le numérique apporte aux internautes. Ces usages gagnent parfois brutalement du terrain. Ils modifient durablement les façons de vivre, de consommer et de se déplacer des habitants du territoire. Les TIC donnent, redonnent, mais parfois enlèvent de la valeur aux lieux de vie. Il est nécessaire d’en identifier les conséquences propres à chaque territoire ainsi que les réponses qui pourront être proposées, notamment par les institutions.


Uber, vous connaissez sans doute, Upper peut-être moins, à moins d’être un aficionado des burgers et d’être bordelais. Le temps d’une journée, Uber s’est proposé de livrer des déjeuners Upper… gratuitement ! Ce partenariat original entre le service de VTC et le restaurant de burgers haut de gamme bordelais a fait un carton ! Plus de 12 000 requêtes ont été effectuées le jour de l’opération. Cette collaboration démontre que l’intelligence sur un territoire peut provenir des acteurs eux-mêmes et créer une véritable dynamique innovante. L’opération marketing Uber et Upper était ponctuelle, mais nous pouvons très bien imaginer des partenariats entre différents acteurs, bâtis sur du plus long terme. Le principe du gagnant gagnant a de l’avenir, encore faut-il se jeter à l’eau !

Quotation

Des usages qui façonnent nos territoires

Du territoire citoyen…

Qu’il s’agisse de redistribution de biens, comme leboncoin.fr, de location ou de prêt d’objets ou d’espaces, comme le couchsurfing, de systèmes coopératifs locaux, comme les Amaps, la création de valeur à l’échelle locale de certaines initiatives collaboratives est bien réelle. Tout comme l’accès public à Internet ou les espaces de travail partagés, ces initiatives se développeront tant qu’elles feront sens pour leurs utilisateurs et que des valeurs communes seront partagées.

… au royaume des Pures Players

D’autres usages du numérique, en revanche, n’offrent pas cet ancrage territorial. Dans cette catégorie, les nominés sont les e-commerçants « purs », certains « drives » de la grande distribution ou encore certaines initiatives controversées de la consommation collaborative (Airbnb, Uber, Taskrabbit…). Parmi eux, reprenons l’exemple des drives de la grande distribution. Certains sites transfèrent leur chiffre d’affaires directement à une centrale, et non au magasin accolé, les retombées financières sont donc délocalisées. D’autres « drives » s’implantent, en se déclarant entrepôts, dans des zones industrielles qui ne sont pas soumises à la taxe sur les surfaces commerciales. Même si ces usages ne semblent pas contribuer au vivre ensemble sur le territoire, ils apportent une réponse aux habitants dont le temps est toujours plus contraint.

Les décideurs : accompagnateurs ou leaders ?

Peu de décideurs ont déployé à ce jour des dispositifs formant véritablement aux nouveaux usages du numérique. Depuis vingt ans, ils se concentrent principalement sur les formations aux outils. Avec l’apparition du Big Data et de l’Open Data, il y a une véritable opportunité pour les institutions de reprendre la main en matière de gestion de la proximité.
Les institutions doivent-elles se limiter à créer les conditions favorables à la participation des acteurs du territoire ou bien se positionner comme animatrices de ces nouvelles relations et dynamiques  ? Une fois la porte de l’économie numérique franchie, que ce soit par la formation des élus, celle des citoyens ou encore la montée en débit et la dématérialisation de son administration, chaque territoire tracera sa propre route, selon ses propres aspirations et sensibilités. Par exemple, un territoire connecté pourra œuvrer pour le lien, l’équilibre et la solidarité numérique (ex : le géocaching, les monnaies locales…), mais aussi pour l’excellence économique (le label French Tech, les espaces de coworking, les fablabs). Un territoire déjà bien avancé dans le processus pourra s’attaquer à l’ouverture des données publiques. Ce dernier aspect représentant une réelle valeur ajoutée pour un territoire.


S’il y a bien un sujet tendance, c’est celui-ci. Au-delà de la ville hyperconnectée, il s’agirait en fait d’une vision imposée par les géants industriels aux acteurs publics comme aux chercheurs. Les élus se verront dire « si vous n’y allez pas, vous êtes ringards ». Les universitaires, eux, entendront « vous ne travaillez pas sur ce que la société attend de vous! ». Or la France n’est pas la Corée du Sud. Vouloir s’engouffrer dans les « villes intelligentes » quand l’économie numérique ne représente pas 80 % du PIB, c’est comme s’il avait été décidé il y a quarante ans de financer des routes sans savoir si Renault ou Peugeot étaient prêts à suivre ! C’est d’ailleurs pour cela que notre conférencier Philippe Vidal prend quelques précautions avec ce leitmotiv de la « smart  city ». Il alerte sur le risque de subordination de l’espace urbain à l’économie numérique, comme cela s’est produit dans le district « intelligent » de Songo, en Corée du Sud, un des premiers exemples au monde. Dans cette ville, ce sont aux habitants d’adapter leur façon de vivre aux infrastructures, ils sont au service du numérique, les rôles se sont inversés…

Quotation

Zoom sur la Loire-Atlantique

Nos trois intervenants sont unanimes : la Loire-Atlantique est un territoire qui a le numérique en poupe. Les nouveaux usages qui en découlent participent au remodelage de l’identité de notre territoire et la Loire-Atlantique semble plutôt bien s’en sortir dans le paysage hexagonal.

« Internet à haut débit pour tous »

Une réalité en Loire-Atlantique d’ici à fin 2015. Pour garantir l’égalité d’accès à Internet à tous les ménages, le Département déploie une montée en débit progressive qui couvrira l’ensemble des foyers du territoire d’ici à la fin de l’année.

Du numérique à la nantaise avec le Nantes Tech

Depuis quelques mois, la métropole nantaise est officiellement labellisée « Métropole French Tech ». L’ambition est claire : faire émerger des leaders mondiaux du numérique en s’appuyant sur un écosystème déjà bien actif. Vous souhaitez faire partie du réseau ? Ne manquez pas chaque année les événements qui contribuent au rayonnement de la métropole : le Web2day et la Digital Week. À suivre également dans les prochaines étapes : la réhabilitation des halles Alstom en QG de la Nantes Tech !

Consommer collectif

Grâce à la récente étude de Collporterre, 810 initiatives ont été recensées en Bretagne historique, dont le tiers en Loire-Atlantique. Les pratiques de consommation collaborative sont variées et les profils et motivations des consommateurs également, contrairement aux idées reçues. L’alimentaire est le secteur le plus représenté avec 61 % des initiatives. Il existe en effet pas moins de 125 Amaps ou encore 14 Ruches (www.laruchequiditoui.fr) en Loire-Atlantique. Amap, drive rural ou drive fermier… les circuits alimentaires de proximité version 2.0 ont la pêche. Force est de constater que le numérique crée du débat aussi dans nos campagnes. Pour accompagner les acteurs territoriaux qui souhaitent saisir les pratiques collaboratives comme une opportunité de développement, Collporterre lance une réflexion collective : le « programme  Domino ».

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