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le 16 août 2018

La république numérique : 7 raisons de changer d’ambition

Vous faites sans doute partie des 80 % de la population qui utilise Internet au quotidien.
Mais alors pourquoi bloque-t-on encore sur la notion de fracture numérique quand ces nouvelles technologies sont devenues de facto une exigence, et même mieux, une opportunité de réinventer notre démocratie ? La transition numérique est loin d’être un concept virtuel et va bien au-delà de la question de l’accès. Il existe au moins sept bonnes raisons pour que cette ambition prenne vie sur nos territoires. Michel Briand nous propose de mieux comprendre les facteurs de métamorphose de notre société qui conduisent à un véritable changement de paradigme. Paraquoi ? Paradigme, une vision renouvelée, un modèle innovant pour expliquer les mutations à l’œuvre et la nécessaire adaptation de nos territoires. Ce nouveau cadre de pensée est rendu possible grâce à la collaboration permise par les outils numériques. C’est ainsi que, collectivement, devrait s’emprunter le chemin de cette incontournable transition.

Le numérique s’impose

À nous et partout : travail, éducation, santé, vie citoyenne… Alors oui, le numérique est là et il faut faire avec ! Nous en avons besoin pour apprendre, pour travailler… et la question concerne tout le monde, à tous les âges et dans tous les domaines. Or, si la culture numérique est porteuse de nouvelles possibilités de résilience, ce n’est pas pour autant une clé ouvrant toutes les portes à une société plus juste et inclusive. Les défis à intégrer au plus vite dans les politiques publiques sont nombreux et sont à rapprocher de la réalité locale de chaque territoire. En partant du principe d’utiliser le numérique comme un levier et non comme une fin en soi, Michel Briand, homme d’actions coopératives et de réseaux, tels que celui de Bretagne Créative, a semé lors de son intervention quelques graines pour esquisser un chemin à baliser collectivement. Celui-ci mènerait vers une plus large égalité des chances sur nos territoires en puisant dans les ressources du numérique. Notre appropriation de ces outils est au cœur de la transformation de notre société. Nous connaissons, au moins de nom, tous ces mouvements, pour les avoir entendu évoquer dans une discussion ou les avoir expérimentés nous-mêmes. Il est temps de parcourir ces facteurs de changements !

Transformations à l’œuvre : on décode ?

Les facteurs de transformation amenés par le numérique sont tous reliés entre eux, de près ou de loin. Toutes et tous, y compris décideurs publics et entrepreneurs, devront tenir compte de ces mutations pour avancer de concert vers un avenir positif. C’est, en tout cas, la vision qu’incarne véritablement Michel Briand.

Internet : un ‹‹ pharmakon ›› ?

Pourquoi aime-t-on Internet ? Pour les mêmes raisons qui nous le font craindre, voire détester ? Internet serait-il à la fois un remède et un poison pour notre mémoire ? C’est l’avis de Bernard Stiegler1 qui emprunte depuis quelques temps à Platon le terme de « pharmakon ». Selon le célèbre philosophe, un pharmakon peut en effet être soit un poison soit un remède, tout dépend de qui l’utilise, et dans quelles circonstances. Cette notion s’applique parfaitement au numérique et à internet en particulier. Il suffit de constater les polémiques qui enflent autour de l’utilisation des données personnelles par les grandes entreprises, ou de l’usage des réseaux sociaux par les internautes pour s’en convaincre. Le numérique est une arme formidable, encore faut-il savoir l’utiliser.

Éclosion de modèles économiques détonants

Vous souvenez-vous avoir vécu la fin des CD de musique, il y a quelques années ? Nous sommes passés d’Universal à Deezer en peu de temps. Que l’on se le dise une bonne fois pour toutes, la production de valeur économique s’est déplacée sur la chaîne. Si cela est reconnu aujourd’hui dans le domaine de la musique ou encore des petites annonces, il semble opportun de l’anticiper comme une évolution envisageable de n’importe quel domaine de l’activité humaine. De nouveaux modèles économiques émergent et auront un impact sur notre société.
Dans la même veine : il y a trente ans, qui écrivait ? Seule une poignée de journalistes, écrivains et intellectuels étaient lus. Aujourd’hui, la donne est différente, les codes de la connaissance et de l’information sont bousculés. Nous sommes tous à présent des producteurs potentiels d’information, de contenus et d’idées nouvelles. L’expression sur le web est de fait devenue plus contributive. Le consomm’acteur occupe un rôle de premier plan. Pour preuve, citons l’expérience de production littéraire collaborative  » Anarchy(.fr) « , au cours de laquelle 2 633 auteurs ont écrit ensemble une histoire durant cinquante jours.

Pair-à-pair et innovation sans frontières

Quand l’impossible devient réalité, cela donne un art à part entière, celui de communautés numériques produisant en réseau, diffusant et dupliquant en masse du contenu, et ce sans transactions monétaires. Wikipédia est emblématique de ces mouvements ; Open Street Map2, plus récent, est tout aussi probant. Ces exemples ont su démontrer leur efficacité et leur utilité sociale.
Dès lors, cet esprit collaboratif s’est propagé de la production de contenu à la création de nouveaux services (y compris des services publics). Cette capacité à imaginer de façon transversale et collective est devenue force motrice pour de nouveaux développements. Pourtant, ce mode de coopération n’est pas inné pour encore beaucoup d’entre nous. Il impose un apprentissage vers des pratiques plus collaboratives. Mais, tenez-vous bien, la coopération est une expérience irréversible. Une fois que vous y aurez goûté, vous ne pourrez plus vous en passer.

Vous avez dit “communs”?

Bâtisseurs de nouveau monde que vous êtes, n’imaginez pas ici devoir réhabiliter des dépendances réservées autrefois au service de grands domaines patrimoniaux, en tiers-lieu ou autre espace de médiation numérique. Quoique cela pourrait être une idée. Non, il faut entendre ici « biens communs du numérique ». À l’image des acteurs de l’économie sociale et solidaire, des communautés s’organisent et se régulent pour produire, gérer et enrichir des ressources. Les logiciels libres, les MOOC (cours en ligne) ou encore les « Open data3 » des collectivités sont considérés comme des communs.
Tous ces facteurs conduisent notre société dans son ensemble vers une voie résolument plus contributive. Le pouvoir est désormais à celui qui partage la connaissance et la gouvernance de notre société va s’en trouver irrémédiablement modifiée.


La coopération est une expérience irréversible. Une fois que vous y aurez goûté, vous ne pourrez plus vous en passer !

Quotation

Et le numérique au service de tous, alors ?

Pour que numérique rime enfin avec développement durable et égalité des chances sur nos territoires, le Conseil national du numérique propose depuis la fin de 2013 d’actionner quatre leviers : faire de l’accès à ces outils un droit, répondre au besoin croissant en médiation numérique4, développer des bouquets de compétences nouvelles et évolutives, et enfin, reconnaître pleinement le pouvoir d’agir des citoyens en valorisant ce qu’ils font et partagent. Toutes et tous sommes désormais invités à changer de regard sur l’inclusion sociale et économique par le numérique, avec, en première ligne, les acteurs de proximité et les décideurs.

Vers un maillage de médiateurs numériques

Un médiateur numérique accompagne les publics éloignés des usages du numérique. Agir auprès de ces publics, leur faire percevoir l’outil numérique comme une partie de la solution et non comme une source de problème, relève de l’accompagnement de proximité. Or nos territoires regorgent d’acteurs œuvrant aux côtés de personnes en quête d’une meilleure inclusion sociale. Pourquoi ces professionnels ou volontaires ne deviendraient-ils pas médiateurs numériques, tels des ambassadeurs de territoires ? Ils pourraient alors coordonner au mieux les échanges d’expériences entre différents espaces numériques, bibliothèques, écoles, et ce faisant, amener une transversalité d’actions entre les différents partenaires et usagers du territoire. Les médiateurs numériques pourraient également accompagner les populations en marge du système et augmenter le pouvoir d’agir de chacun.

Faire bouger les décideurs

Il s’agit là de donner un sens politique concerté à la question numérique. Pour cela, plusieurs types d’actions peuvent être envisagés. La première veine est de proposer une formation spécifique sur les enjeux politiques, économiques, sociaux liés au numérique aux cadres administratifs et aux élus et, pourquoi pas, de leur proposer du contenu sous forme de MOOC (cours en ligne). Pour n’oublier aucun décideur, une formation des futurs cadres d’entreprise autour des réflexions sur la relation entre science, technologie et société serait également à envisager.

De manière générale, préserver le pouvoir de réfléchir sans être noyé sous le factice du numérique qui nous assaille est un véritable enjeu pour tous et à tout âge. De multiples évolutions du système éducatif sont à prévoir pour et par le développement du numérique, notamment pour aiguiser le sens critique de ses usagers. Il deviendra incontournable de développer, pour chaque citoyen, des capacités d’apprentissage, d’adaptation, de création, d’inventivité et ce tout au long de la vie.

Zoom en Loire-Atlantique

Open data et atlas de Loire-Atlantique
Le département a ouvert les données publiques de Loire-Atlantique aux citoyens. Cette plateforme mutualisée avec la Ville de Nantes, Nantes Métropôle et la Région a d’ailleurs remporté le prix Territoriaux (Gazette des communes et GMF).
Le département propose en outre aux usagers un atlas interactif, également disponible en version mobile. Celui-ci vous permettra de créer vos cartes personnalisées à l’échelle de la Loire-Atlantique, à partir de données statistiques.
data.loire-atlantique.fr/
atlas.loire-atlantique.fr/

Parcours numérique

C’est le nom de la démarche d’échanges dans la Région des Pays de la Loire proposée par l’association Ping, basée à Nantes. Son objectif est d’accompagner la construction de cultures numériques sur nos territoires. Elle met notamment en réseau les différents espaces numériques des Pays-de-Loire, dont près de 35 se trouvent un peu partout en Loire-Atlantique.
www.parcoursnumeriques.net/

FixMaVille
Signaler / Proposer / Communiquer : n’est-ce pas un bon début pour révéler le pouvoir d’agir des citoyens sur leur territoire ? FixMaVille, solution développée par la start-up nantaise DataForPeople, est une application mobile citoyenne permettant dans sa 1re version de faire remonter des incidents aux collectivités gestionnaires. Ces jeunes Nantais ne comptent pas s’arrêter là pour dynamiser l’appropriation par les citoyens de l’espace public. www.fixmaville.fr

Ces trois exemples, absolument non exhaustifs, sont une nouvelle preuve du dynamisme à l’œuvre en Loire-Atlantique, en faveur d’une société plus contributive et d’une inclusion numérique optimale. Ils ne sont pas les seuls. Vous aussi, vous participez à l’inclusion numérique de notre territoire ? Comme dirait Michel Briand : « Dites-le que vous le faites ! » Les bonnes pratiques doivent circuler !

Il faut arrêter de croire que …

… la relation entre numérique et société est la même qu’il y a dix ans
… le numérique est naturellement vertueux en termes de réduction d’inégalités sociales et économiques
… l’usage du numérique est une option
… l’effort d’adaptation et d’apprentissage qu’il demande est transitoire
… la question de l’accès au numérique doit être prépondérante dans toute politique territoriale qui se respecte
… les critères d’âge ou de catégorie sociale sont suffisants pour apporter des réponses ciblées satisfaisantes
… les « Digital Natives », ces jeunes nés connectés, ont une capacité innée à comprendre et à maîtriser l’usage des outils.
Sortons donc sans plus tarder de nos esprits ces sept idées reçues. Découvrez les raisons détaillées dans le rapport du CNN, chiffres à l’appui. À partir de là, il sera possible d’envisager une vision forte et cohérente de transition numérique de notre société. Dépassons donc le concept de « fracture numérique », qui, même si absolument nécessaire, n’est plus suffisant et changeons collectivement d’ambition.
Source : Conseil national du numérique. Pour une nouvelle politique d’inclusion.

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