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le 20 juillet 2018

L’impression 3D : emblème d’une révolution industrielle

Imprimer en 3D… La simple expression peut laisser perplexe, car, dans un premier temps, nous tentons tous d’imaginer comment notre imprimante de bureau pourrait fabriquer des objets. Afin de démystifier le phénomène, Bertier Luyt est venu nous présenter ce qu’est vraiment l’impression 3D. Bien au-delà du simple prototypage rapide, ces machines sont en réalité le symbole d’une révolution industrielle beaucoup plus large. Basée sur une culture créatrice prônant coproduction, partage et réflexion ouverte, cette révolution se tient à la croisée des savoir-faire traditionnels en matière de bricolage et d’ l’utilisation de machines digitales à la pointe de la technologie. En effet, c’est tout un monde qui est à l’origine de l’impression 3D et qui l’accompagne aujourd’hui. Un monde composé de Makers, de Hackers, de Fablabs et autres Techshops (dico p. 4). Bienvenue dans l’univers un peu étrange des bidouilleurs futuristes qui vont changer notre économie.

Le Maker movement

Fais-le toi-même !
Si aux États-Unis on parle du « Maker Movement », en France il s’agira plutôt du mouvement « Do It Yourself »  (faites-le vous-même). Ce mouvement de création ne date pas d’hier, mais il s’est considérablement accéléré avec l’apparition et la démocratisation d’internet. Tout a commencé au Massachusetts, où un enseignant a observé que ses étudiants revenaient après les cours dans les ateliers du MIT pour y concevoir leurs propres créations. Ce constat l’a amené à créer le premier Fablab, un laboratoire de fabrication collectif, en 2003. Les élèves avaient accès à ce laboratoire, à la seule condition de documenter les projets qui y étaient menés et de partager leurs créations avec les autres étudiants. C’était la naissance du « Do it with Others ».

Et partage-le !
L’arrivée du web 2.0 marque un tournant dans l’histoire du Maker Movement. Les bricoleurs s’approprient les moyens de communication de ce nouveau web. Les forums, blogues, sites communautaires et sites spécialisés fleurissent et décuplent les possibilités des bricoleurs tant en termes de création qu’en termes de conseil et de dépannage. En 2004, l’expression « Maker Movement » est employée pour la première fois, elle inspirera le titre de la revue spécialisée du genre en 2005 : Make Magazine. En dix ans, le Maker Movement a pris une ampleur considérable outre-Atlantique. En 2006, les États-Unis voient naître le premier Techshop : 3 000 m2 de machines industrielles mises à la disposition du public. Principalement fréquenté par les ingénieurs de la Silicon Valley, le Techshop le Techshop assiste à l’éclosion des idées et des projets qui peuvent prendre forme très rapidement. Il y a fort à parier que dans les années à venir, de grandes compagnies et de grands projets y verront le jour.


L’un des secteurs les plus porteurs est sans doute celui de la santé. L’imagerie médicale attend beaucoup de l’impression 3D. Préparer des opérations en amont ou fabriquer des pièces de remplacement (des prothèses par exemple) sur mesure est en passe de devenir une réalité. Dans quelques années, le bio-printing et l’impression d’organes à partir de ses propres cellules seront des procédés courants

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La troisième révolution industrielle ?

Les Fablabs donnent vie aux idées
Traductible par « laboratoire de fabrication », il y en a aujourd’hui 120 dans le monde. Ces ateliers se trouvent encore pour la plupart au sein des grandes universités américaines, même s’ils ont de plus en plus tendance à s’affranchir des structures éducatives. Ces espaces sont ouverts à tous, que l’on soit en recherche d’inspiration ou que l’on ait déjà un projet en tête. La seule condition d’accès est le partage de la connaissance avec autrui. Autrement dit, si vous souhaitez développer un projet ultra secret, passez votre chemin. Par contre, si vous avez dans l’idée de reconstruire la poignée de votre réfrigérateur introuvable dans le commerce, vous êtes au bon endroit ! Des logiciels de modélisation 3D aux machines à commandes numériques, en passant par des machines-outils, de l’électronique ou du petit outillage, tout est là pour favoriser la création. Vous souhaitez des équipements plus lourds, car vous avez vu les choses en grand ? Le Techshop sera dans ce cas plus adapté. Munies d’outils industriels, ces structures beaucoup plus grandes sont équipées comme de véritables usines. Dans ces endroits se croisent toutes sortes de populations qui ont un point commun : la passion de la création. Autant dire qu’il s’agit de véritables incubateurs qui peuvent donner naissance aussi bien à un tout petit produit qu’à une grosse société.

Quand l’usine est à portée de clic
Mais comment faire si on a l’âme d’un Maker, mais qu’il n’y a pas de Fablab ou de Techshop dans les environs ? Pas de panique, avec internet aujourd’hui, l’usine est à portée de clic. N’importe quel Maker, qu’elle que soit sa localisation, peut passer d’une idée au projet, et du projet au produit. Découper au laser, faire de l’usinage numérique ou imprimer en 3D est désormais possible depuis son canapé. Des sociétés comme Ponoko ou Sculpteo2 proposent ces services sur internet. Avec ces usines en ligne, le privilège de l’utilisation des machines de prototypage rapide est accessible à tous, de n’importe où. Tout comme l’avènement du blogue a fait perdre le privilège de l’information à la presse, les outils de prototypage rapide que l’on trouve dans les Fablabs, dans les Techshops ou tout simplement sur internet vont sans doute à terme capter une partie du privilège de l’innovation aux industriels. Ces machines offrent la possibilité de produire de petites séries, mais aussi des pièces uniques de haute technologie. Un autre atout, et pas des moindres, c’est qu’elles permettent de multiplier les centres de production et de les rapprocher des consommateurs. Dans les années à venir, les initiatives des Makers vont se multiplier, les fabricants de pièces en local seront de plus en plus nombreux, entraînant une nouvelle économie. Il s’agit bien là d’une révolution des usages, de la pratique et de la façon de générer des flux financiers.

Des millions en 3D
La révolution a aussi ses héros. Le mouvement des Makers ne serait pas ce qu’il est sans des personnalités comme Dale Dougherty, le Steve Jobs du mouvement des Makers. C’est d’ailleurs lui qui est à l’origine de l’expression « Maker Movement », mais également de la progression du web vers le 2.0. L’autre personne emblématique du mouvement n’est autre que l’inventeur de l’imprimante 3D : Bre Pettis. Ce blogueur a fondé en 2008 le New York City Resistor Club : un Hackerspace où des passionnés détournent des objets électroniques de leur usage premier. Par exemple, l’un des membres du NYCRC a fabriqué une veste de course à pied couverte de LEDs fluorescentes qui s’allument au rythme de l’activité cardiaque. Pour ce faire, le Maker a détourné l’usage de son cardiofréquencemètre. Des multiples projets et expériences qui y ont été menés est née la première machine à prototypage rapide que l’on appelle aujourd’hui l’imprimante 3D. Accompagné de deux collègues, Bre Pettis monte alors en 2009 une société : Makerbot®. Cette marque est devenue leader sur le segment de l’impression 3D en commercialisant plus du quart de la production mondiale. En juin 2013, Makerbot® a été rachetée pour 403 millions de dollars, la firme emploie 600 personnes et appartient désormais au plus gros groupe industriel de prototypage rapide au monde.


Le magazine Make organise tous les ans un salon destiné aux Makers : la « Maker Faire ». La Makerquoi ? La Maker Faire, c’est un salon où les Makers du monde entier se retrouvent pour partager leurs créations, bricolages ou projets avec leurs pairs. Le but du jeu consiste à montrer son travail, à recueillir l’avis d’autres participants et, pourquoi pas, à trouver des collaborateurs pour monter d’autres projets. Ces manifestations sont des références, elles accueillent 90 000 personnes et plus de 1 000 exposants sur un week-end. À côté des grosses éditions américaines fleurissent ici et là des Maker Faires de plus petite envergure, on les appelle les mini Maker Faires

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Imprimer en 3D !

Une publicité un peu mensongère
Maintenant que tout le monde est au point sur les Fablabs, Makers et Hackerspace (si ce n’est pas le cas, rendez-vous en page 4 pour une séance de rattrapage), il est temps de comprendre le fonctionnement de cette curieuse machine. Le procédé n’est pas si complexe puisqu’il consiste à superposer de fines couches de filaments pour fabriquer des objets en 3 dimensions. Jusque-là, tout va bien. Sauf que, à en croire les médias, ce procédé permettrait à n’importe qui de fabriquer tout et n’importe quoi à domicile. Malheureusement (ou heureusement), la réalité de l’impression 3D n’est pas vraiment la même que celle qui est vantée dans la presse ou sur internet. Cette technologie se voit en effet souvent octroyer des propriétés qu’elle n’a pas. Bien que le nom d’origine soit « prototypage rapide », imprimer en 3D est en fait… très lent ! Et la lenteur s’accroît proportionnellement à la taille et à la précision du modèle à fabriquer. Pour fabriquer un objet 3D rapidement, il faut un objet aux contours peu précis et petit. Autre point d’amélioration : le coût. Le plastique utilisé par ces machines a un coût, et pas des moindres : 50 € le kilo. Les échecs d’impression sont courants et il n’est pas rare de devoir recommencer la fabrication d’une pièce plusieurs fois. Les objets imprimés en 3D ont également souvent besoin d’un post traitement afin de lisser leur surface. Enfin, la composition de l’objet sera le plus souvent en plastique, les machines d’entrée de gamme ne proposant pas la possibilité d’utiliser d’autres matériaux pour le moment. Il y a aujourd’hui, sur ce marché, de tout. Des machines à quelques centaines d’euros, à monter soi-même. Et des machines qui vont coûter des centaines de milliers d’euros, mais plutôt à usage industriel. Même si, à l’heure actuelle, l’impression 3D est une technologie devenue abordable pour de nombreuses entreprises et certains particuliers, elle va bientôt s’installer dans le paysage comme un outil de fabrication, mais qui serait plutôt destiné aux entreprises. Car ce qui est souvent omis, c’est qu’avant d’imprimer en 3D il faut modéliser l’objet, ce qui demande d’acquérir des compétences qui ne sont pas innées. Les particuliers bénéficieront bien sûr de la technologie, mais davantage par le biais des professionnels. à l’avenir, l’impression 3D serait donc un outil destiné prioritairement aux professionnels.

A l’aube d’un nouveau modèle d’affaire
Se procurer un modèle prêt à imprimer peut se faire de différentes manières. La source la plus courante étant l’usage d’un logiciel de modélisation (type Sketchup), mais d’autres moyens sont disponibles. Le scanner 3D est, par exemple, une alternative intéressante : l’objet est scanné sous toutes ses dimensions, il est ensuite possible de le recréer en 3D sur l’imprimante. Enfin, la dernière possibilité, c’est évidemment la communauté. Celle-ci va proposer des milliers de modèles scannés ou modélisés aux internautes. Des catalogues sont téléchargeables dans tous les domaines (déco, techno…). De nombreuses options de personnalisation sont également disponibles (couleur, matière, etc.). Ces possibilités prennent toute leur importance, car c’est là que se trouve la révolution des flux financiers. Pour un artiste, plus besoin de produire ses pièces à l’avance pour les exposer et les vendre, il suffit de les mettre en ligne. La fabrication n’en sera lancée qu’une fois le paiement effectué. Cela va changer la façon de faire du commerce pour les artisans et les fabricants de petites séries.

Plastique, métal, bois… tout est bon dans l’impression
Du plastique, oui, mais pas que. Si le Fuse Deposition Modeling (dépôt de filament chaud) reste la technologie la plus utilisée aujourd’hui, il est également possible d’imprimer en utilisant le Selective Laser Sintering : on ne parle alors plus de plastique, mais de couches de poudre métallique soudées entre elles par un laser. Enfin, l’impression peut se faire aussi en utilisant des matières minérales ou encore du bois. Chacune de ces technologies est adaptée à des marchés et des besoins différents.

Du styliste au prothésiste, un outil transversal
Aujourd’hui, les applications de l’impression 3D couvrent un nombre de métiers extrêmement divers. Les activités directement utilisatrices, comme l’architecture, le modelage, le dentaire, l’archéologie ou la santé, côtoient des secteurs qui s’intéressent de près à cette technologie, comme la mode, la topographie, l’agroalimentaire, la recherche… Un quart des clients sont des industriels. Les utilisateurs sont, quant à eux, souvent ingénieurs ou designers. Une chose est sûre, l’impression 3D va connaître d’importantes évolutions dans les années à venir et ses applications vont certainement nous surprendre.

Le dico de la techno

Maker : inventif et manuel, il s’agit d’un bricoleur qui fabrique lui-même ses objets. Il fait le plus souvent parti du mouvement du DIY.

DIY / Do It Yourself : fais-le toi-même. Cette philosophie prône la fabrication artisanale de toutes sortes d’objets, qu’ils soient artistiques, technologiques… ou même complètement inutiles !

Fablab : laboratoire de création équipé de machines de prototypage où les bricoleurs ingénieux se retrouvent pour travailler ensemble sur leurs projets.

Techshop : Il s’agit d’un lieux plus grand qu’un Fablab. Les machines sont de type industriel et occupent des centaines de mètres carrés.

Hackerspace : lieux fréquentés par des communautés (souvent férues d’informatique et de technologie) où elles peuvent s’échanger leurs savoirs sous forme d’ateliers, de conférences ou de soirées.

Sketchup : logiciel de modélisation 3D très répandu et édité par Google.

int(1982)

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