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le 20 juillet 2018

L’entrepreneur social : accélérateur du changement

Peut-on faire du « business » pour répondre à des problèmes de société ? La question interpelle. Le pari est osé, mais la réponse, de plus en plus crédible. Les entrepreneurs sociaux sont la preuve vivante qu’un modèle social est en cours de construction. Alors que 31 % seulement des Francais ont entendu parler de ce terme, comment ces entrepreneurs vont-ils réussir à s’imposer durablement dans notre paysage économique ? La Loire-Atlantique participe déjà à cet élan de solidarité par la forte présence de l’ESS1. Sera-t-elle un territoire prêt à renforcer l’ancrage de ces mouvements hybrides ? En février dernier, Arnaud Mourot, directeur général d’Ashoka France, est venu témoigner de sa conviction de pouvoir trouver des réponses innovantes pour pouvoir donner un nouveau souffle à notre société. Un message d’espoir fort pour une transition devenue incontournable. Plusieurs porteurs de projet et catalyseurs de Loire-Atlantique étaient également présents lors de cette conférence pour témoigner de la diversité des courants.

L’entrepreneur social est à l’économie ce que l’invention est à l’innovation
L’innovation sociale englobe les expérimentations répondant à un besoin de société qui ne trouve peu ou pas de réponse par les collectivités ou le marché. Qu’elles fassent appel au bon sens ou à une ingéniosité incroyable, elles s’attaquent à la racine des problèmes et améliorent le fonctionnement de notre société en replaçant l’usager au cœur de la solution. De ces innovations naissent différentes formes d’organisations ou de partenariats sur les territoires, des modèles hybrides de plus en plus difficiles à catégoriser sous une seule et même définition, qui briderait leur originalité. C’est dans ce contexte que les entrepreneurs sociaux (ES) français se frayent une place. Ils créent du changement social en s’appuyant sur un modèle économique viable. Pour y voir plus clair, notre conférencier pose le 1er jalon.


Il n’y a rien de plus puissant qu’une idée très innovante quand elle naît dans les mains de vrais entrepreneurs. Une belle idée chez un « non-entrepreneur » ne va pas loin. Un entrepreneur sans idée ira plus loin, mais pas beaucoup plus

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Entrepreneur social : manuel d’exploration

Du réseau de recherche européen EMES au réseau Ashoka, en passant par la plateforme Convergences, l’agence Avise ou l’organisation Mouves, les définitions de l’entrepreneur social sur le sol français sont diverses. Inventer des modèles hybrides semble aujourd’hui une nécessité, tout comme établir des bases communes de dialogue pour le plus grand nombre d’acteurs sur les territoires. L’objectif est d’élargir le champ des possibles par des réponses complémentaires.

Priorité absolue à l’utilité sociale
Les ES excellent dans la priorisation des intérêts de la population et des préoccupations environnementales. C’est l’essence même de leur existence. Pour autant, la portée de l’impact est soumise au débat. Par exemple, l’organisation Ashoka, née dans la tête de l’américain Bill Drayton, se concentre souvent sur des projets à destination de publics vulnérables, notamment en situation de pauvreté. Du côté de l’ESS, l’utilité sociale englobe plus largement la mise en œuvre de missions participant à la cohésion territoriale, ou alors contribuant au développement durable des territoires.

« Une personne, une voix », ou la voix d’une seule personne ?
Ce que recherchent les prospecteurs d’Ashoka, ce sont des pépites d’or. L’organisation met l’accent sur le profil et le tempérament des individus rencontrés, en plus d’une fouille très rigoureuse d’indices, qui jalonnent le processus de sélection. L’échantillonnage collecté des Fellows (compagnons) Ashoka est donc restreint et il est souvent le fait d’entrepreneurs individuels. A l’inverse, pour les chambres régionales d’ESS ou encore le réseau de recherche EMES, le montage collectif à la genèse des projets est une des portes d’entrée incontournables. Pour l’intérêt général et par le collectif.

Statut ou vertu ?
Le constat est rude. Les modèles de prises en charge fortement subventionnées ou les modèles de philanthropie sont des filons qui se tarissent depuis quelques années. Si l’entrepreneuriat social est un concept qui résonne encore mal dans l’esprit de bon nombre d’Occidentaux, c’est précisément sur cette originalité que misent les détectives d’Ashoka pour identifier leurs protégés.
Ainsi, la question de l’entrepreneuriat social parmi les activités de l’ESS reste encore floue pour de nombreux acteurs. Si servir l’intérêt général demeure un des piliers, le périmètre historique des statuts inclus (associations, coopératives, mutuelles, structures IAE5 et fondations) est en train d’évoluer. Plusieurs questions sous-jacentes à ce débat franco-français existent. L’une d’entre elles revient à se demander si les associations n’auraient pas intérêt à se recentrer sur leur vocation d’origine, en évitant d’associer des démarches entrepreneuriales à ce statut. Pourtant, au regard de l’ancrage territorial fort qu’elles apportent et du nombre d’emplois créés, notamment en Loire-Atlantique, ces structures doivent déployer des réflexes de gestion d’entreprises pour pérenniser des emplois délocalisables. Le projet de loi-cadre sur l’ESS, adopté par le Sénat en novembre 2013, semble apporter des éléments de réponse en prévoyant de donner plus de visibilité à cette économie. Il reconnaît la diversité des acteurs œuvrant dans le respect de trois principes essentiels que sont la performance économique, l’innovation et l’utilité sociale.

Territoire et changement d’échelle. Enfin, un consensus
Pour compléter le portrait, l’ES se doit d’apporter une modification en profondeur aux pratiques sur son territoire. D’un périmètre local au départ, l’impact de l’activité doit se démultiplier au fil du temps. Ce changement d’échelle est un point de vigilance de 1er ordre pour Ashoka, mais aussi pour bien d’autres.
Pour permettre cette démultiplication des effets, le travail en partenariat prend tout son sens. Que l’initiative soit à l’origine le fait d’une personne ou bien d’un projet collectif, l’entrepreneur bâtit et travaille en toute transversalité. Il œuvre pour plus de décloisonnement des ressources et des compétences sur les territoires et doit être soutenu dans ce sens par des réseaux structurés et autres plateformes. La Loire-Atlantique est plutôt active à ce niveau-là.


Il n’existait pas de professeurs de sport pour personnes âgées jusqu’en 1997. Jean-Michel Ricard et Jean-Daniel Muller ont développé un protocole de prévention santé et bien-être en mettant autour de la table des médecins, des ergothérapeutes et d’autres professionnels du monde gériatre. De cette idée est née l’Activité Physique Adaptée et le groupe associatif SIEL bleu. C.Q.F.D : en meilleur état de forme, les pratiquants voient leur nombre de fractures divisé par trois. Changement d’échelle réussi : cette bonne idée, soutenue par Ashoka depuis 2006, a fait son chemin puisqu’aujourd’hui ces activités sont en partie remboursées par la sécurité sociale.

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Avoir des objectifs communs sur le long terme
Placer l’efficacité économique au service de l’intérêt général est la première règle d’or des entrepreneurs sociaux. Ne pas avoir peur de sortir des sentiers battus et le faire avec d’autres pourraiten bien être les suivantes. Les solutions qu’ils amènent bousculent les équilibres territoriaux en place. Seuls ou en collectif, ces innovateurs œuvrent avec une approche de marché directement pour le bien commun des populations les plus vulnérables ou à des fins environnementales.
Inspirant et persévérant, l’entrepreneur social est perçu comme un éclaireur susceptible d’enrichir et de décloisonner les positions des différents acteurs. Cette qualité requise révèle aussi la nécessité de développer des partenariats pour transformer en profondeur les pratiques. Un des défis d’avenir sera de déployer un réseau de soutien bâti sur la finalité et l’approche innovante des actions, plus que sur leur forme juridique. En bref, s’engager dans une économie plus inclusive, c’est l’avenir !


Les enjeux sont tellement importants, il faut que ça évolue encore et que tout le monde s’y mette ensemble si on veut véritablement y faire face

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Six voix de l’écosystème en Loire-Atlantique

int(1982)

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