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le 4 août 2018

L’avenir de la jeunesse rurale

« Le “rural”, c’est dépassé ! Il y a encore des choses à faire, là-bas, pour les
jeunes ? Et au fait, c’est où ? » Cela ressemble à un cliché, mais le fait est que le milieu rural est encore aujourd’hui victime de stéréotypes d’un autre âge.
Comme si nos campagnes étaient restées figées dans le temps. Pourtant, ces
territoires et les jeunesses qui les habitent entrent dans une nouvelle ère, pleine de défis. Un défi identitaire : comment conserver son « AOC » rurale quand les frontières entre villes et campagnes sont de plus en plus poreuses ? Un défi professionnel également : hormis l’agriculture, quels métiers pour les jeunes ruraux qui ont la volonté de rester sur leur territoire d’origine ? Enfin, la question de la mobilité se pose, entre des parents-taxis et des jeunes qui souhaitent se déplacer en toute autonomie. Un équilibre reste à trouver, mais, comme l’ont souligné les jeunes participants à la table ronde organisée par le Conseil de développement de Loire-Atlantique, le milieu rural offre un formidable creuset d’innovation pour les jeunes qui y vivent, qui y ont grandi ou qui souhaitent s’y installer.

Jeunes des villes et jeunes des champs : une question d’environnement ?

Les jeunes ruraux seraient-ils si éloignés de leurs pairs urbains ? Si les
modes de vie étaient auparavant complètement différents, ce n’est plus le
cas aujourd’hui. Le développement des transports et l’avènement des nouvelles technologies ont largement participé au désenclavement des zones rurales. Les populations sont également de plus en plus mobiles et les jeunes ruraux n’échappent pas à cette règle. Nombre d’entre-eux rejoignent les centres urbains pour leurs études et ils y amorcent souvent leur activité professionnelle.
Parallèlement à ce phénomène, la périurbanisation contrebalance ce flux migratoire par l’arrivée des rurbains dans nos campagnes. Les échanges sont donc de plus en plus nombreux, les frontières de moins en moins définies. Cela pourrait être considéré comme une uniformisation progressive de la population d’un territoire, mais, selon les témoignages des jeunes participants à la table ronde, il s’agit plutôt d’un enrichissement. Loin de perdre leur identité rurale, les jeunes qui partent s’enrichissent d’autres cultures et quand ils reviennent, ils portent un regard neuf sur leur territoire.


La Loire-Atlantique encourage les initiatives innovantes. Récemment le Département a accompagné une filière viande et un
atelier de découpe au sein duquel les porteurs de projets pourront trouver la logistique de transformation qui leur est nécessaire afin de
diffuser leurs produits à une clientèle de proximité - Gilles Philippot, Agriculteur

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L’emploi en milieu rural : place aux jeunes pousses !

Certains vous diront qu’en milieu rural chercher du travail, c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. La ville, par son rayonnement économique important, offre en effet plus de perspectives en termes d’emplois que la campagne. C’est la raison de nombreux départs de jeunes qui auraient peut-être souhaité rester travailler sur leur territoire d’origine.

Un secteur agricole traditionnelen jachère…

Aujourd’hui, en milieu rural, quelles sont les perspectives ? Que peut offrir
la campagne à ses jeunes ? Le secteur agricole dit « traditionnel » est en perte de vitesse, les exploitations s’agrandissent et le nombre d’exploitants diminue, laissant pour compte quantité de jeunes qui souhaiteraient s’installer. Ce constat, Réjane, jeune agricultrice de 29 ans résidant à Sainte-Pazanne, nous en fait part lors de la table ronde : « Même en étant issue du milieu rural et en ayant une formation agricole, travailler en milieu rural et reprendre une exploitation agricole relève un peu du parcours du combattant. Le premier problème est l’accès au foncier, car ce n’est pas le nombre de fermes à reprendre qui manque, ni le nombre de jeunes qui ont des projets d’installations. » Les opportunités ne sont pas beaucoup plus nombreuses dans le secteur tertiaire, la plupart des emplois de services ou dans l’administration ne sont accessibles qu’avec une formation qui est très souvent dispensée… en ville.

Quand l’innovation ouvre le champ des possibles

Malgré les difficultés rencontrées par les jeunes pour s’installer, le secteur
agricole est loin d’être moribond, à condition de sortir des sentiers battus.
Ces dernières années, des marchés de niches apparaissent ici et là, jusqu’à
créer une nouvelle économie investie en majorité par la jeune génération.
Qu’il s’agisse du bio, des AMAPs, des circuits courts…, une chose est sure :
local et durable ont la cote ! Dans ce secteur, il reste encore beaucoup à
inventer et c’est certainement ce qui plaît aux jeunes ruraux : la possibilité
de créer leur propre projet et non de reprendre simplement celui d’un autre,
comme c’est souvent le cas dans le milieu agricole. Sur ce point, c’est aux
politiques publiques qu’il incombe d’arbitrer ces différentes activités agricoles pour parvenir à un équilibre. Encourager les initiatives et la production locale est un enjeu fort pour l’avenir de notre département. En plus  d’être créatrice d’emplois, la diversité agricole permet par ailleurs de créer une alliance entre ville et campagne à une époque où le consommateur est de plus en plus soucieux de la provenance de ses aliments. Des associations sont également présentes sur le territoire pour aider les jeunes porteurs de projets qui souhaitent s’installer et investir dans du foncier. La CIAP est une structure qui permet à des jeunes d’avoir le droit à l’erreur : les jeunes s’installent avec l’aide d’une coopérative et si le projet ne fonctionne pas, le jeune ne passera pas sa vie à le payer. Cela laisse aux débutants la possibilité de lancer des projets, de s’essayer, sans courir à la catastrophe financière.


Je suis née à Sainte- Pazanne. Au départ cette commune était vraiment rurale. Aujourd’hui, entre piscine, train,
associations… le paysage a beaucoup changé à tous points de vue. Alors ruraux, oui, dans le coeur, mais les avantages
urbains se sont propagés jusqu’à nous. - Rejane Pelletier, agricultrice à Sainte-Pazanne

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Une campagne qui bouge

50 cm3 ou le moteur de la liberté
Souvent réclamé dès l’âge fatidique de 14 ans, le scooter est un facteur d’indépendance très important pour les jeunes ruraux. Que ce soit pour
rejoindre le club de sport, aller chez des copains ou simplement effectuer
les trajets vers le collège, être motorisé facilite grandement la vie des ados… et des parents-taxis. Car si le jeune urbain a une multitude de possibilités pour se rendre à ses différentes activités, les choses se corsent pour le jeune rural. En campagne, les transports publics répondent principalement aux besoins des déplacements pendulaires, mais ne sont pas forcément en adéquation avec les besoins des jeunes, qui s’apparenteraient plus à des déplacements de proximité ou des déplacements transversaux.


Pour apprécier les qualités d’un territoire, il faut en avoir vu d’autres, c’est pourquoi il faut encourager les jeunes à quitter leur territoire et à voir d’autres horizons. Il faut créer une
Coopérative d’installation en agriculture paysanne culture du nomadisme

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Un département qui roule pour le covoiturage
Toutefois, il faut bien comprendre que les solutions de transports collectifs de la ville ne peuvent pas s’appliquer en territoire rural et ceux qui ont essayé de dupliquer ce modèle avec des liaisons transversales ont échoué, à cause de la difficulté à concilier rotations fréquentes et réalité financière d’exploitation.
Il y a donc là un champ d’invention et d’innovation radicale qui est rendu
possible du fait de l’utilisation croissante des TICs. Le partage et l’usage
collectif de véhicules individuels sont déjà en pleine expansion et la Loire-
Atlantique peut se targuer d’être un des départements qui encouragent le plus le covoiturage. Selon Édith Heurgon, sociologue et prospectiviste du présent, les solutions sont peut-être plus dans le partage entre citoyens que dans le développement des transports collectifs : « Dans le rural, il n’y a pas de culture des transports collectifs. De plus, la mobilité, ça s’apprend, il faut
informer, mais aussi former. à Paris, à Nantes, le vélo en libre-service, ça a
marché, car il y en a eu beaucoup, tout de suite. Proposer quatre vélos à la
sortie de la gare n’aurait pas suffi. Il faut mettre le paquet et une nouvelle
habitude se crée. La mobilité, ce n’est pas que le transport et le déplacement. C’est aussi dans la tête. »

Sortir de son pré carré
Faire voyager les jeunes, c’est donc une idée séduisante, mais pas forcément
évidente à mettre en oeuvre. Certains jeunes ne conçoivent même pas d’aller chercher un stage ailleurs que dans leur commune. Il ne s’agit
pas là d’un comportement inhérent à la ruralité, mais bien d’une histoire
d’espace vécu. En effet, dans de nombreuses villes, certains jeunes ne
sortent pas de leur quartier et ne se rendent même pas au centre-ville. Être
mobile, c’est donc la résultante d’un apprentissage. Être mobile en milieu
rural et être mobile en milieu urbain, ce sont deux choses différentes.
Si pour le modèle urbain un système de transport est déjà bien installé et a fait ses preuves, pour le milieu rural, tout  reste encore à inventer.

Semer les graines du changement…

Se questionner sur ce que peut apporter la campagne aux jeunes est tout à
fait légitime. Mais pourquoi tout attendre du territoire ? Les TICs représentent un outil de développement formidable pour le milieu rural, les
possibilités d’inventer, de réinventer, sont infinies. Il faut maintenant amener ces jeunes à mettre leurs connaissances de ces outils au service de leur espace.
… pour faire germer des vocations
Car c’est un peu ça, le nerf de la guerre : comment amener les jeunes à
participer et à monter des projets ? La plupart ne s’intéressent pas aux
démarches institutionnelles mises à leur disposition, car celles-ci ne leur
correspondent pas. Pourtant, les jeunes se mobilisent autant que les
générations précédentes, simplement leur façon de s’engager est différente.
Leur intérêt est souvent corrélé à la rapidité de concrétisation des projets.
Les jeunes veulent se sentir acteurs, pas assistés, c’est donc en amont qu’il
faut les solliciter. Une commune souhaite créer une maison des jeunes ? Eh
bien que ces jeunes soient associés aux réunions, qu’ils donnent leur avis, qu’ils suivent le chantier… Et que les réunions ne se passent pas toujours dans les lieux institutionnels. Impliquer les jeunes dans de tels engagements ne peut que les responsabiliser et leur donner envie de promouvoir ce type de démarche dans leur communauté.
Le milieu associatif, véritable « melting-potes »
Dans cette logique participative, les associations ont véritablement une
carte à jouer. Ces lieux sont d’une grande importance, particulièrement
en milieu rural, car ce sont des vecteurs de rencontres indispensables aux
jeunes en dehors des établissements scolaires. Les associations, notamment
sportives, permettent de faire des rencontres parfois improbables et de créer un « melting pot » entre différentes classes sociales. Selon Gilles
Philippot : « C’est un creuset d’actions sociales, où l’on peut assumer ses premières responsabilités. Cela peut faire l’effet d’un révélateur sur certaines personnes. Ce sont des codes qui peuvent compter, même a postériori, et peuvent influencer des choix que l’on aura à faire plus tard. » Pourtant, ces associations sont de moins en moins fréquentées, elles ne sont peut-être plus adaptées à la nouvelle façon de vivre des jeunes. Une présence accrue des associations et des animateurs socioculturels sur les réseaux sociaux pourrait être une bonne piste.
Une jeunesse en mode projet
La jeune génération répond à une logique d’immédiateté et a surtout besoin de résultats concrets dans ce qu’elle entreprend. C’est pourquoi les associations comme les institutions devraient prendre cela en compte et proposer dans un premier temps des actions qui peuvent aboutir dans un délai court. Cela permettrait aux jeunes de découvrir le mode projet et leur donnerait envie de s’engager sur du plus long terme. Cela peut commencer par la création de lieux qui leur seraient dédiés. Même si, à priori,
les compétences ne sont pas toujours au rendez-vous, ce qui compte c’est que ces jeunes soient sollicités, car ils aiment les défis et bénéficieront ainsi d’une expérience formatrice et certainement révélatrice de talents.

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