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le 27 août 2018

La grande distribution change d’étiquette

« Première étape, le boulanger. Mmh ! quelle bonne odeur de pain frais ! Et si on commandait un gâteau pour l’anniversaire du petit dernier ? Ensuite, il ne faut pas oublier de s’arrêter chez le poissonnier, d’ailleurs il a certainement une nouvelle recette à nous donner pour bien cuire ce bar en papillote. En parlant de conseils, n’oublions pas d’aller saluer le boucher et de le féliciter pour la qualité de sa côte de bœuf qui a fait l’unanimité le week-end dernier ! » Et si cette scène ne se déroulait pas au marché, mais au supermarché ? Et si demain les commerces de bouche des grandes enseignes mettaient les bouchées doubles pour satisfaire le client ? Respect du produit, du producteur, qualité et santé dans votre caddie, c’est le pari que Serge Papin s’engage à tenir pour Système U. Fini le prix à tout prix, objectif santé et plaisir, sans pour autant se ruiner. Tout le monde doit pouvoir s’y retrouver, il paraît que ce n’est qu’une histoire d’équilibre à trouver…

U, les premiers commerçants

Peu le savent, mais l’histoire de Système U remonte au XIX siècle. Née en 1894 à Savenay, l’enseigne est la toute première dans le métier. Au départ, il s’agissait d’un groupement de plusieurs petits commerçants qui ont créé une coopérative. Nommée « Le Tendances pain quotidien », cette coopérative avait pour principal objectif l’optimisation des coûts et des marges. En 1930, le directeur de la coopérative rebaptise « Le pain quotidien » au profit d’Unico, qui n’était autre que le nom… de sa marque de cigare ! Au sortir de la guerre, 10 000 Unico étaient présents sur le territoire français. C’est aussi l’époque où la grande distribution se démocratise, avec l’apparition de nouvelles enseignes aux surfaces de vente plus importantes. Avec ses supérettes implantées dans les bourgs, Unico s’est rapidement démodé. En 1975, pour essayer d’endiguer ce phénomène, Jean-Claude Jaunet, PDG de l’époque, a pris un virage stratégique pour le groupe en lui donnant la vocation de devenir leader du secteur de la grande distribution. Unico devient alors Super U et la coopérative est baptisée Système U. Les premiers supermarchés de l’enseigne ont ouvert en 1975 à Vertou et à Varades.


Systeme U, c’est une force différente, l’enseigne rassemble 1 500 magasins et plus de 70 000 collaborateurs, dont 5 000 en Loire-Atlantique, autant qu’Airbus ! Les commerçants sont propriétaires de leurs magasins tout en participant au destin collectif d’un groupe. Nous avons ainsi gardé un véritable sens du commerce, fidèle à nos origines

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Une fourche respectée pour une fourchette de qualité

Les enjeux qui attendent la grande distribution sont immenses. Le consommateur est de plus en plus exigeant sur la qualité du produit, sur le confort de son magasin, mais également, et ça c’est plutôt récent, sur le respect du producteur, de l’environnement, etc. Il faut donc satisfaire un consommateur, un client, mais aussi un citoyen.

De la fourche à la fourchette

Petit à petit, la qualité reprend le dessus sur la quantité. Le rapport au produit n’est plus le même, les consommateurs cherchent à consommer mieux plutôt qu’à consommer plus. Le lien direct entre alimentation et santé est maintenant connu de toutes et tous et les différents scandales alimentaires ont renforcé la méfiance vis-à-vis du contenu des assiettes. Chez Système U, cette évolution est au cœur des stratégies de demain. Les négociations ne se font plus seulement avec le transformateur, l’enseigne souhaite avoir un regard sur l’ensemble de la filière. C’est ce regard, qui va de la matière première brute jusqu’au produit fini, qui pourra garantir un produit meilleur et plus respectueux de l’environnement, de bonnes conditions de travail, des animaux bien traités, etc.

Mieux traiter les sous-traitants

Les agriculteurs sont souvent les parents pauvres de la chaîne commerqu’ils contiennent et nous en sommes satisfaits. Il y a de l’emploi, de la qualité, de la santé. On ne veut pas importer de lait polonais ou de porc danois. Conjuguer bons produits et acteurs locaux est indispensable. »

Des services à tous les rayons

La révolution numérique a fait un grand ménage dans les modes de distribution des biens et denrées de consommation. Les grandes surfaces ne sont plus les seules dans la partie. Un revers de médaille bien mérité, diront certains, car il est vrai qu’il fut un temps,de l’aveu même de Serge Papin, où la grande distribution a précipité la fin de très nombreux commerces de centre-ville. Aujourd’hui, les « grands méchants » sont le digital, comme Amazon, mais aussi les Amaps, les circuits courts, etc. Pour résister, les supermarchés ont intérêt à s’adapter, mais surtout à innover, bien au-delà du self scan ou des drives. Le libre-service s’est démodé, les clients veulent à présent du service tout court. Demain, le summum de la modernité pour un supermarché sera d’avoir un bon boucher, du bon pain, avec des professionnels formés qui sont fiers de ce qu’ils font et qui ont un vrai sens du service client. « Amazon ne va pas larguer par drone de la viande maturée demain matin, notre plus-value, elle est là. Le monde est multi canal, il faut s’y adapter. »


En tant que commerçants, nous avons de nouvelles responsabilités. Le commerce n’invente finalement pas grandchose, c’est le modèle sociétal qui évolue. Dans les années 80, tout le développement des grandes surfaces était basé sur les quantités et les prix. Il fallait être le moins cher et le plus gros. À l’époque, les maires créaient de nombreux lotissements et tous voulaient un supermarché, synonyme de modernité. Tout cela a conduit à un développement horizontal et une urbanisation importante des terres agricoles qui n’est plus possible aujourd’hui. Nous assistons à un véritable revirement de situation, les villes sont devenues les pôles de référence et le commerce s’adapte à ce mouvement de réappropriation des centres-villes. Sans pour autant abandonner le périurbain, demain, le supermarché va retrouver le cœur des villes

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Qualité prix plutôt que prix à tout prix

Miss agriculture rend sa courronne

« Ce qui fut ne sera pas », lâche Serge Papin. Loin d’être nostalgique, le PDG est lucide. La France a perdu sa couronne de reine de l’agriculture depuis longtemps déjà. Il suffit de jeter un œil à la Commission européenne de l’agriculture : pas un Français. Fini, donc, l’hégémonie française et son agriculture très productiviste. Par conséquent, fini les prix ultra compétitifs qui pouvaient être proposés aux consommateurs, à moins d’importer les produits d’autres pays, mais en tout cas, chez U, le poulet brésilien, non merci. Attention, il ne s’agit pas de dire que l’agriculture française est morte, bien au contraire. Elle est en mutation, une mutation qui se passe dans la douleur, mais qui débouche peu à peu sur de nouvelles formes de production.

Des fermes de luxe

Les éleveurs de demain, ceux qui tireront leur épingle du jeu, seront à la tête de fermes-entreprises. Ils exporteront leurs produits qui auront pour principales plus-values le savoir-faire et la qualité. L’agriculture sera sans doute un peu plus vivrière, avec une valorisation accrue des circuits courts fonctionnant principalement avec du bio ou du raisonné.


En cohérence avec notre démarche qualité et respect de la santé, nous avons enlevé tous les ingrédients qui sont suspects pour nous : plus de bisphénol, de paraben, d’huile de palme, etc. dans nos produits. Par exemple, dans les pains au lait, nous mettons du beurre alors que la grande marque met de l’huile de palme. U est donc plus cher que cette dernière que je ne citerai pas, mais tant pis, on tient bon. D’ailleurs nous gagnons même des parts de marché, nous ne sommes pas les moins chers, mais nous vendons de bons produits

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Qui est le moins cher ?

À entendre Serge Papin, l’enseigne à l’origine de ce slogan a fait beaucoup de mal à tous les professionnels de la grande distribution. Le comparateur de Leclerc est, selon lui, un énorme mensonge comparant des produits incomparables. Pour expliquer son raisonnement, il prend l’exemple de la pomme de marque U. Celle-ci ne contient que quatre molécules de traitement au lieu de 15. En effet, ce n’est pas la moins chère, mais elle est sans doute meilleure pour la santé. Qualité prix plutôt que prix à tout prix, c’est le leitmotiv de Système U et de son PDG, Serge Papin, qui estime être réellement entré dans une nouvelle ère. Une nouvelle ère qu’il façonne et qu’il souhaite transmettre à son successeur en temps voulu. « Je Pour voir et entendre le conférencier retrouvez sa vidéo « Paroles d’acteurs » sur notre site ! cherche à transmettre, ce qui est important c’est la pérennité du mouvement. Je cherche à faire en sorte que la vision soit partagée et transmise. »


Si j’étais le prochain président de la République, les médicaments seraient payants, par contre la nourriture saine serait gratuite. Aujourd’hui, si invraisemblale que cela puisse paraître, les budgets santé et alimentation sont les mêmes

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De nouveaux modes de distribution

L’avenir des supermarchés est donc moins dans le choix de l’offre que dans la qualité du produit, du lien créé avec le consommateur et du professionnalisme des métiers de bouche. Chez Système U, ce nouveau virage est déjà amorcé. « Les clients achètent moins de viande, c’est un fait, mais quand ils en achètent, elle est plus chère, car c’est de la viande de très bonne qualité, maturée dans des caves. Nous vendons une viande excellente et nous avons du mal à nous approvisionner. Certains magasins font leur pain, fument leur saumon, vendent des poissons de la criée, etc. Les gens viennent car ils trouvent des produits qui correspondent à leurs attentes, sur tous les plans. »

Les PME locales à la marge

Les produits des grandes marques sont ceux qui génèrent le moins de marge, elles sont souvent très faibles, autour de 5 %. Sachant qu’un magasin, pour tourner correctement, a besoin de 20 à 25 % de marge, le rattrapage se fait donc sur des produits moins connus, issus d’entreprises plus petites, souvent des PME. Le problème, c’est que les produits les moins bons pour la santé sont vendus le moins cher possible alors que d’autres produits, moins connus mais plus sains, sont vendus plus cher pour équilibrer la balance. L’idéal serait de diminuer les marges sur les produits meilleurs pour la santé et de les augmenter sur les produits les moins bons (Nutella, Coca, etc.)

Serge Papin se met à table

Demain, Système U pourrait également être partenaire et facilitateur pour l’éducation à l’alimentation, les magasins coopératifs pourraient devenir propriété des consommateurs… Beaucoup de projets donc, mais il semble que Serge Papin cherche une vision à définir clairement à long terme. Pour autant, à tous ceux qui pensent que le supermarché est mort : ne vous réjouissez pas trop vite, Serge Papin a plus d’un tour dans son cabas.

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