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le 27 août 2018

Erreur 404 : Démocratie not found

Il y en a encore quelques uns qui pensent qu’Internet et son langage codé sont un truc de geek agoraphobe et il y a ceux qui pensent qu’Internet et le numérique en général, sauveront le monde de tous ses maux. Et entre les deux, il y a Emmanuelle Roux. Elle fait le grand écart entre politiques réfractaires et citoyens hyperconnectés. Le grand écart c’est un peu la spécialité d’Emmanuelle Roux, avec son parcours atypique a toujours fréquenté des mondes très différents et a dû à chaque fois s’adapter (pour retrouver son portrait complet, RDV en p.  6 pour la grande interview). Au travers de ses nombreuses activités, sa spécialité reste l’accompagnement au changement. Car oui, n’en déplaise à certains oligarques, les choses bougent autour de nous, et plutôt à très grande vitesse. Elle est déjà loin l’époque où les frontières administratives avaient un sens dans notre quotidien. Depuis presque deux décennies, nous avons en effet la capacité de communiquer avec n’importe quel individu sur la terre, n’importe où et n’importe quand, et surtout sans avoir à demander la permission à quiconque.

La révolution de l’information

Le numérique, c’est culturel, c’est politique. L’ère du numérique c’est aussi l’ère de l’horizontalisation qui va définitivement réorganiser tout ce que nous connaissons. Aller à l’école pour apprendre : ça va changer. Aller chercher un document administratif dans sa mairie? Ça va changer. Aller acheter des fournitures dans un magasin? Ça va changer. Les frontières ne sont plus définissables comme auparavant puisqu’on peut tout faire de n’importe où. Alors, si en tant que citoyen, je peux accéder à l’information n’importe où, n’importe quand, que je peux la créer, la faire circuler, la partager, la question du pouvoir se pose.


L’ubérisation de la société que l’on n’aurait pas vue venir ? Si vous voulez faire rire Emmanuelle Roux, n’hésitez pas à aller sur ce terrain. Pour elle, cette révolution a commencé en 1999, avec Napster, qui a balayé l’industrie musicale en 10 ans; la presse a subi le même sort avec Internet. Et puis quoi? Fallait-il vraiment se dire que cela resterait cantonné à la culture et à la presse? Que les autres secteurs seraient épargnés ? Quelle blague ! L’ubérisation a déjà 15 ans et ce rouleau compresseur semble difficile à arrêter. D’ailleurs que les chauffeurs de taxis se rassurent, les chauffeurs d’Uber ne seront bientôt plus des concurrents puisque le métier de chauffeur de taxi sera tombé aux oubliettes. Si vous voulez en savoir plus sur l’ubérisation et ses conséquences sur l’emploi, replongez-vous dans le Tendances "Les barbares attaquent !".

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S’adapter pour mieux régner

Comment s’adapter ? Cette question se pose à tous mais peu de personnes peuvent y répondre tant les choses vont vite. Si l’imprimerie a mis 4 siècles à se démocratiser et la radio 40 ans, Internet n’a mis qu’une vingtaine d’années de la naissance des premiers protocoles à sa croissance à l’échelle mondiale.

Du savoir-faire au faire savoir

En seulement quelques années, la société doit comprendre et absorber des technologies qui arrivent à toute vitesse. La capacité d’absorption de tous ces changements est l’un des enjeux très forts de ce nouveau siècle. Alors qu’auparavant, il fallait faire des études dans un premier temps et travailler ensuite, il n’est pas sûr que cela soit toujours le cas dans les années à venir. Les technologies doivent être utilisées tout de suite, l’apprentissage se fait en même temps, c’est l’unique possibilité pour ne pas décrocher du train (fou!) de l’innovation. Fini, donc, l’ère de l’expertise et bienvenue dans l’ère de l’expérimentation. Ça, les faiseux, appelés aussi makers l’ont bien compris, et du fond de leur FabLab ils préparent sans doute le monde d’après, libre à vous d’en faire partie !


En parlant d’ubérisation, connaissez-vous la BlockChain? Cette cryptomonnaie fonctionne un peu sur le même principe qu’un BitCoin. Je vous ai perdu.e.s? Reprenons, le BitCoin est une monnaie numérique cryptée, qui repose sur une architecture informatique complexe. Sans coûts de transaction ni intermédiaires, cette monnaie est dématérialisée. Elle ne connaît pas les frontières et peut être même utilisée dans les pays qui n’ont pas de système bancaire. Cette monnaie est extrêmement sûre et c’est sur ce principe de sécurité que se greffe le successeur du BitCoin : la BlockChain. Cette cryptomonnaie offre un espace public sur lequel sont répertoriés tous les échanges et sur lequel toutes les parties sont identifiées. Les données ne sont pas stockées à un seul endroit, mais réparties sur l’ensemble de la chaîne de cryptage. Celles-ci sont donc inviolables et infalsifiables sans que cela soit tout de suite repéré. La BlockChain remplacera bientôt, par exemple, tous les actes notariés; des affaires pourront être conclues entre des parties qui n’auront plus besoin d’être face à face. Ce sera également le cas pour les diplômes, les contrats, les banques, les assurances… le nombre de métiers qui vont être traversés par cette technologie est extraordinaire.

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Internet : Bienvenue dans la quatrième dimension

Requiem pour un modem

Ah ce fameux claquement du bon vieux modem qui clignotait comme une guirlande de Noël, vous vous en rappelez ? Devenu tellement vintage, c’était pourtant l’incontournable de l’époque pour qui voulait entrer en communication avec le monde. Cinq à dix ans plus tard, l’information devient transversale, c’est l’ère du social, nous pouvons désormais diffuser, être lus, mais aussi répondre, c’est la naissance des réseaux sociaux et l’explosion des échanges. Facebook, Twitter & co émergent durant cette première décennie du 21e siècle, les utilisateurs peuvent débattre depuis n’importe où sur Terre des grandes questions d’actualité ou du dernier film sorti en salle. Puis nous avons assisté à l’arrivée de la consommation collaborative. Le bonCoin ou BlablaCar chez les Français, mais aussi les géants américains Air Bnb ou Uber sont devenus les rois de l’économie du partage. Vendre, donner, troquer n’a jamais été aussi à la mode. Ce troisième chapitre de l’histoire d’Internet se referme déjà car pour partager il faut être au moins deux et bientôt, les choses se feront… seules.

Dessine-moi un algo

Et au loin, déjà, Internet, quatrième génération se profile. Si vous êtes un fan d’Elon Musk1vous aurez sans doute compris qu’il s’agit de l’ère du monde autonome. Voiture, services, banques… Dans de très nombreux secteurs, les algorithmes remplaceront les humains. Les mutations de l’emploi par cette nouvelle vague sont immenses et encore peu connues ni anticipées.


Ce qu’il faut savoir c’est que tous ces programmes sont écrits à l’origine par une personne physique, il n’y a pas de magie ! Mais quel dirigeant politique à l’heure actuelle est capable de comprendre un code? Sans même parler de pouvoir l’écrire ou de le modifier, simplement de le comprendre? Eh bien, ils se comptent peut-être sur les doigts d’une main, et encore. Mais alors, comment pourraient-il penser nos futurs territoires, ces individus qui n’y connaissent rien ? Cet effet « boîte noire » place les élus en dépendance complète des fournisseurs numériques et perdent leur posture de leader. Les personnes qui comprennent la technologie, qui appréhendent ses applications seront définitivement en situation de pouvoir dans les années à venir.

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Ces algos qui en savent trop

Celles-ci sont en effet composées « sur-mesure ». Les algorithmes choisissent pour nous ce qu’ils considèrent comme le contenu le plus adapté à nos goûts. Mais qu’en savent-ils, de nos goûts, ces algos ? Eh bien à force de nous traquer à longueur de journée, ces petits morceaux de code vous connaissent bien plus qu’on ne le pense et décident donc pour vous. Cela soulève une nouvelle fois la question du libre arbitre. Avonsnous encore le choix ? Qui décide en tout état de cause? Nous, en renseignant, souvent sans le savoir, les algorithmes ? Ou ceux qui les ont écrits ? Finalement les algorithmes s’érigent en quelque sorte entre nous et le monde, ils orientent notre pensée et renforcent nos propres croyances. N’est-ce pas le pouvoir ultime? Est-ce pour le préserver qu’une certaine opacité enveloppe la naissance des algorithmes ainsi que l’accès à leur lecture? Prenez l’exemple des moteurs truqués de VW, si le code avait été « open data », la communauté des codeurs aurait tout de suite remarqué que quelque chose n’allait pas dans l’algorithme et cette tromperie à grande échelle n’aurait sans doute jamais eu lieu. De même, ce sont bien des algorithmes qui sont à l’origine de la carte scolaire qui gère l’affectation des élèves dans les différents établissements. Malgré les enjeux politiques de ce code, il n’est que partiellement rendu public et présenté de façon inexploitable.

Au royaume des élus, les codeurs sont rois

La réponse est tellement simple, mais aussi tellement sidérante : ceux qui nous gouvernent n’y connaissent en fin de compte pas grand-chose. « Les algorithmes ? C’est pour les codeurs qui restent jour et nuit dans le noir entouré de cartons de pizzas ! » vous diront certains. À force de considérer le numérique comme un outil, un domaine parmi d’autres, souvent relégué derrière des sujets jugés plus sérieux comme l’agriculture, l’emploi, etc. nos dirigeants s’éloignent des enjeux fondamentaux que présente cette révolution. Le numérique est partout, et ça, en France particulièrement, les élus et hauts fonctionnaires ne semblent pas en avoir bien pris la mesure.

Une Europe hors service

Récemment ont eu lieu les négociations pour le Free data Flow avec les Américains. Ces négociations concernent la libre circulation des données personnelles. Devinez qui sont arrivés très bien préparés, avec des experts, des gens qui savent de quoi ils parlent ? Et qui sont arrivés les mains dans les poches, ne maîtrisant absolument pas les enjeux ? Eh bien oui, ces négociations surréalistes ont rassemblé des Américains archi calés et des Européens complètement décalés, sans spécialistes, sans défenseurs des droits des usagers à part les associations. « Les Américains ont une large avance, ils ont bien compris les enjeux économiques énormes que représente la data. C’est un enjeu de gouvernance mondial. La France a encore du travail mais des structures comme le Conseil national du numérique nous montre voie. » nous explique Emmanuelle Roux.


Tout le monde doit apprendre à coder. Tout comme nous avons appris à lire et à écrire, tout comme on apprend la géographie. Tout le monde sait parler un peu anglais, sans être traducteur. On ne doit pas tous devenir développeurs, nous devons par contre tous comprendre la logique qu’il y a derrière le code. L’enjeu c’est de comprendre que ce sont des choix qui sont faits, on doit être capable de les déchiffrer. Apprendre à coder, c’est apprendre l’algorithmique, c’est aussi permettre demain de penser les métiers en coopérant avec des machines.

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