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le 20 juillet 2018

Consommation collaborative : utiliser plutôt que posséder

Trop de produits, trop de services, trop de tout, dont au final nous n’avons pas vraiment besoin. Notre société a poussé la consommation à son paroxysme. À force de possession boulimique, certains d’entre nous en arrivent à l’écœurement. Pouvoir d’achat en berne, refus de jeter à tout va ou encore vrai ras-le-bol du système, autant de raisons qui font de la consommation collaborative une tendance essentielle. Signe d’une remise en question plus profonde, le terme « économie collaborative » est de plus en plus employé. Jusqu’à quel point cette alternative influencera-t-elle notre avenir ? Les impacts sociaux et financiers de ces innovations sociales sont encore flous, mais les adeptes, de plus en plus nombreux. En novembre dernier, l’économiste blogueuse Anne-Sophie Novel est venue nous éclairer sur cette tendance.

Sur fond de crise et de défiance généralisée, la consommation collaborative s’immisce dans notre quotidien grâce à la démultiplication des services favorisant l’usage et le partage de biens plutôt que leur possession… Mais cette tendance n’en est pas à son coup d’essai.

Coup d’œil dans le rétroviseur
Le nom de Napster vous rappelle-t-il quelque chose ? C’est l’un des premiers sites web grâce auxquels l’échange de pairs à pairs (Pear-to-Pear) a été démocratisé. Napster, dans sa 1re version, en 1999, était dédié à l’échange de fichiers musicaux, et ce… gratuitement ! Cela n’a d’ailleurs pas été sans déclencher des poursuites en justice intentés par l’industrie musicale. Le succès de cette plateforme avant-gardiste reposait déjà sur deux fondements de la consommation collaborative : le partage et l’usage de données, objets, etc. La porte d’entrée n’est pas exclusivement technologique, mais l’explosion du web a largement contribué à remettre au goût du jour le troc.

Du partage de notre monde à un monde de partage

Un vent qui souffle un Français sur deux vers la sobriété volontaire
Financier, humaniste ou écologique, l’intérêt pour ce mode alternatif diffère d’une personne à l’autre. Face au système généralisé de possession à outrance, l’apparition de la consommation collaborative peut s’apparenter au combat de David contre Goliath. Pourtant, pas de quoi faire monter la cote d’alerte en vigilance rouge pour cette crue exceptionnelle de nouvelles pratiques, qui pour certaines remettent en avant des coutumes plus anciennes. Attention aux coups de vent tout de même, certaines pratiques risquent de bouger dans notre société !

Coups de vent en rafales
L’ampleur grandissante de ce mode de partage provient de l’imbrication de plusieurs facteurs tantôt sociétaux, tantôt économiques ou encore technologiques. Pour n’en citer que quelques exemples : la démographie et la mobilité croissantes des individus sur leur territoire, le déploiement de nouvelles technologies décuplant les possibilités d’échanges d’information, et bien sûr, la prise de conscience que les ressources de notre planète ne sont pas infinies.

Avis de tempête sur notre société de consommation
En cette période de grands changements, nos concitoyens se questionnent et se tournent vers un mode de vie où la recherche de sens est au cœur de leurs actions. Ils regagnent leur autonomie de jugement, se révèlent être des usagers du territoire plus responsables, des consommateurs plus actifs, plus citoyens. Les valeurs plébiscitées par ces consommateurs, souvent connectés, sont la confiance, l’ouverture, la reconnaissance et, de plus en plus le lien social réinventé. C’est aussi cela qui conduit la moitié des Français à penser différemment, qu’ils soient dans leurs rôles de consommateur, d’actif ou, plus généralement de citoyen.

Du troc, bien sûr, mais pas seulement
Pas toujours facile de s’y retrouver parmi les initiatives qui foisonnent ces derniers mois sur nos territoires. Certaines remettent au goût du jour des pratiques anciennes, d’autres sortent complètement des sentiers battus. La plupart utilisent les plateformes web comme outil d’intermédiation. Les possibilités de classer les initiatives sont nombreuses, c’est pourquoi Anne-Sophie Novel nous propose de les regrouper en quatre catégories :
• Le troc : c’est l’idée de donner une deuxième vie aux objets, mais c’est aussi échanger ses savoirs, son temps…
• Le partage d’un usage : l’autopartage, comme Marguerite, ou les vélos en libre-service, comme les Bicloos nantais, sont des exemples types. Le couchsurfing en est un autre, qui remet l’hospitalité au goût du jour.
• La consomm’action : les projets naissent d’un élan collectif et les actions peuvent intervenir à différents niveaux (crowdsourcing4) : de l’idée du produit, de la validation du concept ou du financement du projet, les porteurs de projets en appellent à la communauté d’usagers pour supporter des projets variés.
• Le savoir-vivre ensemble renouvelé : au-delà de l’habitat partagé, ou de la mixité intergénérationnelle, des initiatives toutes simples, telles que les « biens suspendus », se développent un peu partout. Le concept : vous payez un café ou une baguette en plus, qui sera offert par le commerçant à une personne qui n’en a pas les moyens.


Si le xxe siècle était celui de la possession,
le xxie siècle est sans conteste celui du partage 

Quotation

Prévisions « consommatologiques »

L’avenir de la consommation sera-t-il majoritairement collaboratif ?
La consommation collaborative est-elle une vague en passe de changer le monde ? Les trois quarts de ceux qui ont modifié leurs comportements déclarent qu’ils ne feraient pas machine arrière. Et vous ? Globalement, les acteurs socio-économiques s’ouvrent de plus en plus à la coopération. La donne change sur la place occupée par le consommateur, particulièrement au sein de l’économie. Mais, ne nous le cachons pas, les Français ont toujours ce rapport ambigu à la consommation. Elle relève souvent de l’achat plaisir et 85 % d’entre eux estiment même qu’elle est vitale à la croissance de notre pays. L’envol de cette économie de la contribution soulève tout de même quelques questionnements pour l’avenir.

Une pratique permise uniquement sur le net ?
Si la plupart des initiatives de partage se font via internet, de parfaits inconnus se rencontrent toujours dans la vie réelle pour partager et échanger. Le téléphone peut également tirer son épingle du jeu (par exemple : « Alter-Ego.cc » (service d’écoute), ou encore « j’aime Belleville » (entraide de quartier).

Avez-vous la confiance 2.0 ?
Dans la consommation collaborative, le baromètre de confiance des plateformes web, c’est avant tout l’avis de la communauté. La pérennité des initiatives est conditionnée par la construction rapide et durable de la réputation que vous lui donnerez. Et sur ce terrain, rien n’est laissé au hasard. S’il existe encore quelques lacunes pour garantir l’indice de confiance des sites, des initiatives sont menées pour les sécuriser, mais aussi pour renforcer le système d’authentification de l’identité numérique de chacun.

Concurrence déloyale ou rupture des usages  ?
Plusieurs acteurs traditionnels du marché, hôteliers, taxis…, brandissent le bouclier. Les services communautaires, portés par des start-up, qui parfois adoptent une posture bon enfant, déstabilisent un système économique qui peine à retrouver son équilibre.
Par manque de recul, le doute plane sur le potentiel de ce nouveau modèle à générer des emplois durables. Là encore, cette économie collaborative suggère l’adaptation de nos indicateurs de richesse et de valeurs, allant au-delà du PIB, indicateur phare du système actuel.
Le bonheur intérieur brut, vous y croyez  ?


Au cours de sa vie de perceuse, celle-ci ne sera utilisée que douze minutes. Votre véhicule est à l’arrêt plus de 90 % du temps. 13 % des espaces de travail sont libres en permanence… Alors, pourquoi ne pas les partager ?

Quotation

INFO +

La consommation collaborative…
…bon plan ou mouvement de destruction créatrice ? Bien que certains contours, notamment réglementaires, soient encore flous, la vie share a le vent en poupe. Son essor, lié à internet et aux réseaux sociaux, bouscule le modèle économique traditionnel. Quant aux entreprises, elles s’inquiètent à tel point que, pour survivre, elles devront faire avec les valeurs de l’économie collaborative. Avis de tempête, ce mouvement risque d’en décoiffer plus d’un !

Consommer autrement, est-ce vraiment possible ?
Bien sûr ! Posséder ensemble ou ne plus posséder du tout, c’est l’esprit de la consommation collaborative. Les solutions varient selon deux axes : le partage avec d’autres, grâce à des échanges directs, et le choix de l’usage plutôt que de la propriété. Le tout est donc de savoir si vous êtes prêt à posséder un bien ou un service avec d’autres personnes, ou si vous voulez seulement en avoir l’usage selon vos besoins. De fait, les idées ne manquent pas : vide-placard, covoiturage, financement participatif ou encore habitat partagé sont autant de solutions de la vie « share », si différentes soient-elles.

CtoC, vous connaissez ?
Non, ce n’est pas du groupe de musique électro nantais (C2C) que nous parlons ici, mais de ce mouvement de Consommateur à Consommateur par opposition au BtoB ou au BtoC. Donner une deuxième vie aux objets en les revendant à d’autres est l’exemple parfait du CtoC.
Le CtoB aussi prend son envol, mais plus doucement. La fidélisation par l’image de marque serait-elle dépassée ? Pas forcément, mais elle prend une nouvelle tournure. Certains fabricants s’emparent de cette idée en donnant la liberté et les moyens à leurs clients d’apporter eux-mêmes de la valeur ajoutée à leur marque. En externalisant de la sorte, le consommateur est plus qu’acteur : il devient créateur.
En savoir plus : fr.eyeka.com

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